• Atelier Ecriture – « Marionnettes – Ficelles d’écriture en atelier »

     

    * L'ENCRIER * « Ateliers et Bouts de ficelle »

     

     

    -   « Bonjour, nous sommes en direct des Ateliers Marabout, où la crise économique ne semble n’avoir aucune prise sur l’activité. Je vous propose de découvrir son secret et de rencontrer son gérant. » annonce fièrement Catherine journaliste sur Radio-Cancan, micro en main, plantée devant une immense bâtisse.

    -     « Paul, peux-tu vérifier la commande pour le Faubourg ? La camion est prêt à partir, et faudrait pas que l’on se plante comme pour celle de W.D.C. ! demande Jacques.

    - Monsieur Jacques, pouvez-vous nous présenter l’activité de votre entreprise, une société familiale avec une histoire fabuleuse, vous nous la racontez ?

    -        Oui en effet, cela fait neuf générations que les Ateliers Marabout existent. Cela ne nous rajeunit pas hein ? À l’origine, nous fabriquions des gréements et des voiles pour les navires : haubans, garcette, aussière... C’était du temps des grandes découvertes maritimes, de la Compagnie des Indes et des barbaresques ! Cela a été notre activité principale pendant quatre ou cinq générations.

    -   Puis est arrivée la révolution industrielle, qui a été un tournant dans l’activité des Ateliers, je crois ?

    -      En effet, mes ancêtres ont su s’adapter à cette nouvelle demande plus axée sur ce qui était levage. Aux éléments d’arrimage ou de manutention, nous avons développé palans, poulies et treuils. Les entreprises industrielles anglaises puis françaises en plein boum étaient très demandeuses !

    -        Les Ateliers ont-ils connus d’autres tournants dans leur activité ? demande la journaliste

    -     Plusieurs même ! Nous avons connu ensuite une demande plus orientée sur les loisirs, les sports comme l’alpinisme avec les harnais et les sangles... ou liée aux spectacles comme les compagnies de cirque... On avait même fourni le matériel pour emballer un pont parisien ! Pour vous dire... et toute cette activité continue bien sûr...

    -        Comment faites-vous pour passer au-delà du temps, qui ne semble n’avoir aucune emprise sur votre activité, comme la crise elle-même qui ne semble pas vous affecter ...

    -        Il y a quelques années, nous avons dû revoir intégralement la conception de certains de nos produits. Nous étions devant une demande bien spécifique. Il nous fallait produire de la ficelle.

    -     De la ficelle ? Pardon ?... De prime abord, cela ne devait pas vous poser de problème particulier ? Si ?...

    -     C’est que cette ficelle devait être la plus solide, la plus fine et surtout la plus invisible possible !

    -        Invisible ?!  Aaah ? et pourquoi ? Qui vous faisait une telle commande ?

    -  Faisait et font toujours ! C’est notre produit leader désormais ! Vous comprendrez que je ne peux vous en révéler ni les secrets de fabrication ni l’identité exacte de nos commanditaires, mais je peux vous dire que cela marche du feu de dieu !!

    -        S’il vous plait, dites-nous en un peu plus malgré tout... Ne tenez pas ainsi nos auditeurs en haleine...

    -        Il s’agit de la ficelle pour marionnettes.

    -      Euh ?... des marionnettes dites-vous ? Guignol, Gnafron et la Madelon ?...  Excusez ma surprise, mais je ne vois pas en quoi cela est nouveau !

    -   Oui oui... bien sûr... vous pensez à ces marionnettes-là... forcément... Non, moi je vous parle de vous... de moi... de nous tous... Nos donneurs d’ordre sont les États, les gouvernements... Ce sont eux qui tirent les ficelles du monde... et personne ne le sait vraiment, ni le quand, ni le comment... Chacun ne sait vraiment par qui il est manipulé, parfois par plusieurs personnes selon les circonstances... On est dans une autre dimension ma p’tite dame !

    -    Mais si vous dites... nous, le monde, moi... vous aussi alors vous êtes manipulé !

    -        Oui mais moi je le sais... Et vous savez, je m’en fiche complètement tant que les carnets de commandes sont pleins ! »

     

     

     

    Anna – 27 Juillet 2013 ©

     

     

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    « Cramponner l’Aussière... »

    Huile sur toile - Thomas SOMERSCALES

     

               Le brigantin sort à peine du vide, du néant... Pas de cette immobilité où les vents s’absentent de la misaine et du grand hunier, non ! On parle d’un cœur à corps sur une mer amère sans amer condamnant toute manœuvre ribaude, d’un combat acharné entre la carène et les lames bleues d’acier menaçant la ligne de flottaison même pour un bateau lège... Pas d’une simple algarade, non ! On parle d’une déclaration de guerre par la houle grondante et déchaînée escomptant engloutir l’embarcation en une goulée dans les noires écumes de ses nuits abyssales. Les rafales déchiquettent les toiles, les mâts et leurs vergues se tordent de douleur forçant le choix de ferler ou border.

     

                Malgré les premières avaries, il faut maintenir le navire à la course, embraquer. Entre sextant, compas et sablier trouver et forcer le cap. Le bosco doit encore décoder les énigmes, reliefs terrestres et courbes isobaths des cartes marines, rester sourd aux chants des sirènes et déjouer les pièges des récifs étoilés crevant le ventre. Alors les yeux vissés sur l’horizon, rassérénant l’équipage hagard sur le tillac, il s’oblige à naviguer au près, à la bouline, évitant toute flibuste. La lutte demeure serrée et les bouillons dangereux. Des mille restes à parcourir avant de cramponner l’aussière, mouiller et pouvoir radouber.

     

                Le fébrile équipage attend chaque nuit l’heure où la vague se fait prochaine, celle qui se dressera comme un mur brocardant le grand foc ou le beaupré pourtant érigé comme un index sévère admonestant toujours les flots rugissants. Celle-là, l’ultime, qui engloutira le bâtiment du safran au pavillon avec âmes et tonneaux, le jetant dans les tréfonds comme une poignée de ramilles. Le capitaine se doit de garder la foi en l’étrave qui devra pourfendre les sombres eaux vrombissantes. Dans l’obscurité, la proue saura faire bonne figure devant de tels bouillonnements. Passer chaque borgnon sans fanal ni encombre. L’épreuve sera plus terrible que le jeu du couteau entre ses doigts, le bosco le sait.

     

                Et la houle frappe encore d’estoc et de taille, perçant la carène, là plus haut sur le bâbord.

     

     

                Puis ce fut tel un ouragan, croulant sous une cabale d’écumeuses cavales, le brigantin plongeait entièrement dans les abîmes comme pour être projeté plus vivement encore contre des murs d’eau.

     

    Anna  – 23 Juillet 2013 ©

     

    Écrit sur le banc d’un parc – Je ne sais ce que deviendra ce morceau d’histoire...

     

     

     

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                                       Le cœur claudiquant,

    J’erre parmi les glaces, 

    Trop d’années, 

    Interminables. 

    Je m’enfonce inéluctablement, 

    Demains toujours sombres, 

    Plus torturants. 

    Mettre en ordre et fermer sa maison. 

    Abdication. 

    Plus de larmes, ni apitoiement. 

    La gorge s’étrangle, 

    La respiration s’étouffe. 

    Alors partir, 

    Nos dernières étreintes en intense souvenir,  

    Derniers sursauts du cœur et du corps 

    Dans deux bras tant aimés, 

    Adieu bonheur si doux, 

    Tardif,  

    Le ver est dans mon fruit. 

    Impossible d’aller plus loin, 

    Depuis longtemps, 

    Ce corps ne m’appartient plus, 

    Et sur mon âme déjà morte 

    Planent les vautours. 

    Éreintée tomber là 

    Genoux et mains à terre. 

    Tête basse prier le passage du Tarasque, 

    De ces démons qui me hantent 

    Et dont je ne sais crier le nom. 

    Baisser toute arme, 

    Abandonner toute résistance 

    Sans tenir tête aux Astaroth 

    Ni aux vils Serpents, 

    Inutile combat d’avance pugilat, 

    Offrir sans lutte la victoire aux Maudits. 

    Asmodée prend cette âme en lambeaux, 

    Et libère-la... 

    Enfin ! 

    Qu’elle n’endure plus ni crainte 

    Ni cauchemar 

    À jamais... 

    Que sa fragile lumière disparaisse 

    Dans l’odeur croupie d’une vie abandonnée, 

    Cernée par les ténèbres de sa propre laideur. 

    Je n’entends déjà plus les suppliques de l’archange, 

    Bien égoïstement 

    Je reprends ma promesse, 

    Pardon, mille fois pardon, 

    Puisse-t-il m’absoudre, 

    Les voix du chaos grondent plus fort 

    Que sa tendresse posée sur moi. 

    Alors, tranquillement 

    S’allonger là, 

    Supplier la terre de se fendre sous mon corps, 

    Et que les mondes oubliés m’engloutissent. 

    Sans crainte du libérateur, 

    Des morsures de l’hiver éternel, 

    Plantées en athamée dans mes entrailles, 

    Ces charognes déjà visqueuses 

    S’offrant à Eurynome 

    Et aux larves gluantes. 

    Bientôt, 

    Sans peur, 

    Je fermerai les yeux. 

      

     

     

    Anna – 5  Juillet 2013 © 

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