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    * L'ENCRIER * « Manhattan Melody »

     

    « Manhattan Melody », regards croisés sur une rencontre,

    entre un homme et une femme,

    une écriture cinématographique.

     

     

    Un texte mis en voix par Tippi et Java. Merci à tous les deux.

    Une exclusivité sur TippiRod votre Écho

     

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    (Cliquer sur l’image ci-dessus pour accéder au texte)

     

     

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    * L'ENCRIER * « Réverbération »

     

     

    Au soir d’une faible lueur de la lampe, un regard.

     

    Dans cette pénombre accusant les traits, on eut cru se dresser un visage inconnu, aux cernes charbonnés, tel un fantôme sorti droit et muet des bobines d’Abel Gance. Des yeux clairs et froids, de bleus glaçons flottant sur des joues immobiles, me regardent. À mon tour, le contemple, scrute ce spectre au teint crayeux. Commença alors un étonnant dialogue, inaudible, entre esprits.

    -         « Qui es-tu ? Un spectre revenant d’entre les morts ?

    -         Pour être revenant, il faut être parti. Je suis d’un univers parallèle.

    -         Pourquoi apparaître aujourd’hui ?

    -         Il y a longtemps que tu ne me vois pas, pourtant j’étais déjà à tes côtés.

    -         À mes côtés ? Dans quel but ? Pour quel message ?

    -  Ne sens-tu pas les corbeaux accrochés aux cimes de l’augure ? N’entends-tu pas les nuages se bouffir d’encre sombre ?

    -        

    -         Tu ne réponds rien ?... Observe mieux, dis-moi ce que tu vois ?

    -  Un visage délavé au teint cireux, des joues excavées en papier mâché, dénudées de sourire.

    -         Et autour ?

    -        Une oreille sourde aux chants des cigales, une bouche qui n’a plus soif. Un bras affaibli et sans force d’étreindre, une main qui ne sait plus la douceur des caresses. Un corps lézardé en lambeaux, un ventre creux qui n’a plus faim.

    -         Et encore ?

    -   Un regard desséché dans l’absence d’horizon. Un cœur qui ne bat que d’une aile. Une carcasse rongée désormais dévaluée. Un esprit tourmenté qui ne craint plus la nuit.

    -        Et au-delà ? »

    L’échange fut taiseux, interminable, pupilles contre pupilles. Immersion dans les tréfonds de l’ombre.

    -       « Je sais qui tu es. »

     

    Miroir, ô mon miroir, reflet vivant du cadavre d'un corps qui se dégoûte. 

     

     

     

    Anna – 17 Novembre 2014 ©

     

     

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    * HUMEUR * Underground

     

    Taire pour ne plus faire mal

    Enterrer ses pages cachets

    S'écraser incandescente

    Aux cendriers des maux

    Pour le reste, faire l'autruche

    La plume aux vents incertains.

     

     

     

    Anna – « Pensées » - 6 Novembre 2014

     

     

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    * L'ENCRIER * « L’Abandon »

     

     

    Le soleil rubescent fondait tendrement sur les courbes vallons, se feutrant au creux émeraude des sapins. Sérénité du crépuscule. Un couple de gerfauts s’élevait, en aubade grivoise, dans le ciel coloré s’apaisant enfin des chaleurs estivales. Lentement, les ombres prenaient leur aise sur les hauteurs du lac. Le jour, comme hier, avait été joyeux, nourri d’éclats de vie essaimés çà et là, au milieu des photos de vacances.

     

    Il leur fallait rentrer. Plier la couverture couchée lascivement sur l’herbe, ranger l’osier joli à l’écho vide du soir dans le coffre de voiture. Les tomates furent juteuses, les casse-croûtes savoureux. Clic-clac, derniers selfies. Jeux insouciants d’enfants, leur ultime supplique avant des heures velours, somnolées à l’arrière des banquettes.

    Le ballon avait roulé.

    Les innocents mutins avaient suivi l’espiègle en contrebas du talus, s’étaient même griffé les bras aux épineux buissons. Les rires cessèrent d’un coup, stupéfiés, les souffles restèrent béants. Dans le silence, « Les garçons, on y va ! »... Une inquiétude, « Les garçons ? Où êtes-vous ? »

     

    La sphère avait fini sa course, butant au pied de godillots pour moitié délacés, découvrant des chaussettes de laine emmêlée de brins d’herbes sèches. Au bout, il y avait un corps. Le bourdonnement des mouches, l’odeur pestilentielle leur avaient clos le bec.

    L’homme, couché sur le flanc, était recroquevillé en boule. Un vieux chien sans collier pelotonné dans son blouson de mites, comme s’il s’était comprimé à l’intérieur d’un lui-même sans vie. Autour, il n’y avait rien, ou tellement peu. La toile à demi éventrée d’une tente décrépie, à peine au-dessus de sa tête et des épaules. Des livres aux coins usés mille fois du même doigt. Deux photos jaunies en guise de marque-page. Un téléphone portable du siècle dernier, exténué, lui aussi, de toute énergie. Un réchaud bleu sans âge, une cuillère cabossée, une gamelle démanchée, un reste de lentilles avariées.

    Depuis combien de temps ?

     

     

     

     

    La scientifique bleusaille avait fait son ouvrage, sans la moindre amertume. Routinier. Clic-Clac, photographies de la scène, sous tous les angles, prélèvements, relevé d’indices, recherche d’identité, enquête de voisinage... Mais de qui parlaient-ils, là au milieu d’un vide tout juste peuplé de quelques fantômes ? Pire, s’il y en avait eu, sans doute étaient-ils définitivement morts, emballés dans le sac mortuaire avec le pauvre bougre. Ziiiip !

    À une dizaine de kilomètres, la buraliste le voyait épisodiquement pour un pot de tabac, du papier à rouler. La dernière fois c’était... elle ne savait le dire. Au bar aussi, le patron se souvenait de cette barbe hirsute. Pour sûr, qu’il buvait des bons coups, sacrebleu et plutôt quatre fois qu’une. Le zinc le soutenait plus souvent que ses jambes. À se demander comment le lascar pouvait rentrer chez lui. Et il habitait où... Bin là, en effet, la question était bonne mais... La caissière de la supérette se rappelait des deux petites boîtes de saucisses aux lentilles et de quelques bouteilles. Du vin oui, mais toujours des fins cépages. Ah si, une fois, ils en avaient parlé... enfin juste un peu. Du vin justement, oui, quelqu’un lui avait appris... Marié ? Non, elle ne le pensait pas. Pour le moins, elle n’avait jamais vu de femme avec lui. Un enfant, oui peut-être, elle n’en était pas sûre...

     

    La seule chose que le légiste avait pu ranimer, ce fut le portable. Le dernier appel remontait à plusieurs années et le répertoire succinct se réduisait à trois numéros. La flicaille chercha à les joindre, un n’était plus attribué. L’ancien numéro d’un toubib, en psychiatrie semblait-il, qui depuis avait pris sa retraite. Une voix d’homme mûr décrocha au second. Il connaissait bien l’individu pour être de sa famille. Son élocution ne trembla pas, il demanda l’adresse de la morgue et précisa qu’il arriverait le lendemain soir pour les formalités. Le troisième coup de fil fut planté tel un coup de grâce, que l’on eut cru passé au service des homicides. La femme écoutait en interminables sanglots les détails sordidement déballés par l’agent stagiaire. Sans attendre, elle venait sur le champ.

     

    Sur la route, la nuit engloutissait tout. Voiture, ciel et asphalte avaient la même odeur. Celle qui ravive les tardifs regrets. Cabocharde, elle pensait se protéger, mettre à l’abri son âme, prête à toutes folies pour cet oiseau blessé aux ailes. Il s’était éloigné, elle l’avait regardé partir. Le mutisme avait pris sa place. Les mains sur le volant, la tête feuilletant les albums de sa mémoire. Clichés intacts, tous gravés. Surtout ce soir-là... Le dernier, le plus terrible. Pour la voir, il s’était traîné, éculé comme une vieille paire de galoches, tenant à peine debout. Il avait frappé à sa porte, à deux reprises. Ils seraient toujours là, l’un pour l’autre. Quelles que soient les tempêtes, ils se l’étaient promis. Elle n’ouvrit à aucune, paralysant le glacial de ses larmes en insondable banquise. Lui, s’était évaporé, n’avait plus donné signe, contraint d’accepter l’amputation. Ils s'étaient perdus.

     

     

    * L'ENCRIER * « L’Abandon »

     

    Elle le retrouvait là, à l’ouverture du tiroir numéro 17. Comme il avait maigri. L’azur s’était tu. La barbe toujours douce sous ses doigts. Les lèvres fragiles tout autant que le cœur. La froideur de l’inox lui transperçait les os, les mains étaient gelées. Malgré tout ses baisers, le souffle chaud de sa bouche n’y pouvait désormais rien. Poussé dans le néant, l’oiseau libre était tombé du nid. Le préposé repoussa le compartiment, le frigo finit de l’emmurer. Le flic l’avait raccompagnée jusqu’à son véhicule, et laissée sur un parking désert.

     

    Au-delà de sa douleur, elle ne lui survivrait pas. Elle s’était enivrée, souvenirs au goulot. Avant une dernière folie. Avec lui ou sans elle.

    Pourquoi n’avait-elle pas...

     

     

     

    Anna – 4 Novembre 2014 ©

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    * L'ENCRIER * « Analemme en Huit »

     

    Naître d’un cri, étranger au monde et à soi-même, ignorant jusqu'à l’épreuve périlleuse de ce premier souffle. Originel son bercé des bras vides d’une mère. Artificieuse, la peur s’immisce au ventre. Embuscade latente, obsolescence programmée.

           Demain, tu seras sage.

    Ébauche dessein d’une ligne de vie, droite entre deux points. Balbutiements des pas, innocents d’un non-savoir. Entrouvrir à cloche-pied les voiles embrumés. Découvrir goulûment. Humer l’air des étoiles, s’arrimer l’œil à l’ambre. Exhaler le moindre frisson aux pores pulsatiles. Peau velours, baisers essaimés. Harmonies aux paupières closes. Un, deux, trois, soleil. Et corps chu. Goûter les sels à la rade des joues. Genoux bleus, rouges cailloux.

           Demain, tu sauras être raisonnable.

    Fraîcheur équilibriste et sautillante, la fourbe vie s’en rit. Reprendre le chemin des vers. Fragrances mélodieuses tatouées sur les tympans. Oser respirer à pleine poitrine, pied de nez exalté à deux mains. Plus vite encore, poignées en coin. S’enivrer à l’impertinente légèreté. Côtoyer au plus près l’adrénaline, la chérir comme une seconde peau et s’y risquer encore. S'entêter à ses fièvres vertiges, ailes fascinations. Plus haut toujours, en gourmandes stratosphères. Apesanteurs fusionnelles.

           Désormais, tu garderas les pieds sur terre.

    Un debout englué ici, la vie ne sied dans cet air vicié. L'apaisante folie se dissipe, sans eaux ni chagrin, ou alors plus tard. Réapprendre Newton et le poids de son corps. Quitter l'espace de sa ligne, marcher sur la courbe conforme. Glisser sur la pente, bifurquer au prochain croisement. Bottes et premières gadoues, épaules alourdies, pourquoi déjà ? Les nuages d'hier étaient si purs, bienveillants. Dislocation du corps et de l'âme dans un cercle vicieux. Poings au fond des poches, se déhancher entre fiels fourchus. Pourtant, il faut vivre. Alors se tordre, spirale rétractée aux impératives vicissitudes. Erreurs d'un monde sans cabrioles, corps et âme se désolidarisent en hélice distendue. Dislocation elliptique.

           Désormais, tu connaîtras la peur.

    Désobéissant aux moindres désirs, le corps cabossé devient sourd à cette cervelle cabocharde. Boiteux, tordu, marchant en crabe, il ose s’abandonner désuet au sursis qui le ronge. Le cerveau s’entortille et se noie aux heures fractales. Un moi dans l’angoisse émoi, l’autre ne voulant s’y absoudre. Le répit devient claustrophobe, et l'espace s'étrique. Se dévêtir d’une chair inutile, tel un costume élimé, voué aux mites. Ne plus sentir le vent courir sur les vagues blondes, celles que l'on frôlait des doigts sur leurs épis charnus. Cesser de noircir son cœur aux couleurs d'un monde sans ailes du désir. Effleurer à peine les mains charitables devenues impuissantes. Inouïr les mots désarmés des sirènes bienveillantes dans mes maux acharnés. S’éthérer enterrée sous d’analgésiques parapluies. Délaisser la douleur qu’on balade comme un chien sous une pluie battante.

           Enfin, tu deviendras émotion pure des rêves insensés.

    Hors des potions magiques et des affres matérielles, le temps se presse. Redevenir ce cri originel, à l'avenir sibyllin. Repartir les pieds nus sur les cirrus doucereux. Être l’évent impalpable, translucide de soi-même. En sortir déchaînée, apesanteur retrouvée. Circuler dans son propre esprit à la vitesse de la lumière. Accélérer encore. L'ellipse se cintre en huit. Hurler dans la transparence du silence, écrire jusqu’à la dernière pensée en ultime ivresse. S’alcooliser aux rêves les plus fous. S’enivrer quand tout sera dit en une ligne adrénaline, suprême et envoûtant coup de cœur. Griller la der des ders, et garder en bouche ce dernier vers. Goûter à nouveau aux vertiges sidéraux. Particules pyrotechniques, magnétiques. Atome éthéré avant de s’abdiquer dans l’inconnu du vide.

           Bientôt, tu seras folle, mais libre...

     

    Anna –  31 octobre 2014© 

     

    Pink Floyd - High Hopes

    (VO en attendant qu'elle passe sans accroc au piano)

     

     

     

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