• * L'ENCRIER * « Analemme en Huit »

     

    * L'ENCRIER * « Analemme en Huit »

     

    Naître d’un cri, étranger au monde et à soi-même, ignorant jusqu'à l’épreuve périlleuse de ce premier souffle. Originel son bercé des bras vides d’une mère. Artificieuse, la peur s’immisce au ventre. Embuscade latente, obsolescence programmée.

           Demain, tu seras sage.

    Ébauche dessein d’une ligne de vie, droite entre deux points. Balbutiements des pas, innocents d’un non-savoir. Entrouvrir à cloche-pied les voiles embrumés. Découvrir goulûment. Humer l’air des étoiles, s’arrimer l’œil à l’ambre. Exhaler le moindre frisson aux pores pulsatiles. Peau velours, baisers essaimés. Harmonies aux paupières closes. Un, deux, trois, soleil. Et corps chu. Goûter les sels à la rade des joues. Genoux bleus, rouges cailloux.

           Demain, tu sauras être raisonnable.

    Fraîcheur équilibriste et sautillante, la fourbe vie s’en rit. Reprendre le chemin des vers. Fragrances mélodieuses tatouées sur les tympans. Oser respirer à pleine poitrine, pied de nez exalté à deux mains. Plus vite encore, poignées en coin. S’enivrer à l’impertinente légèreté. Côtoyer au plus près l’adrénaline, la chérir comme une seconde peau et s’y risquer encore. S'entêter à ses fièvres vertiges, ailes fascinations. Plus haut toujours, en gourmandes stratosphères. Apesanteurs fusionnelles.

           Désormais, tu garderas les pieds sur terre.

    Un debout englué ici, la vie ne sied dans cet air vicié. L'apaisante folie se dissipe, sans eaux ni chagrin, ou alors plus tard. Réapprendre Newton et le poids de son corps. Quitter l'espace de sa ligne, marcher sur la courbe conforme. Glisser sur la pente, bifurquer au prochain croisement. Bottes et premières gadoues, épaules alourdies, pourquoi déjà ? Les nuages d'hier étaient si purs, bienveillants. Dislocation du corps et de l'âme dans un cercle vicieux. Poings au fond des poches, se déhancher entre fiels fourchus. Pourtant, il faut vivre. Alors se tordre, spirale rétractée aux impératives vicissitudes. Erreurs d'un monde sans cabrioles, corps et âme se désolidarisent en hélice distendue. Dislocation elliptique.

           Désormais, tu connaîtras la peur.

    Désobéissant aux moindres désirs, le corps cabossé devient sourd à cette cervelle cabocharde. Boiteux, tordu, marchant en crabe, il ose s’abandonner désuet au sursis qui le ronge. Le cerveau s’entortille et se noie aux heures fractales. Un moi dans l’angoisse émoi, l’autre ne voulant s’y absoudre. Le répit devient claustrophobe, et l'espace s'étrique. Se dévêtir d’une chair inutile, tel un costume élimé, voué aux mites. Ne plus sentir le vent courir sur les vagues blondes, celles que l'on frôlait des doigts sur leurs épis charnus. Cesser de noircir son cœur aux couleurs d'un monde sans ailes du désir. Effleurer à peine les mains charitables devenues impuissantes. Inouïr les mots désarmés des sirènes bienveillantes dans mes maux acharnés. S’éthérer enterrée sous d’analgésiques parapluies. Délaisser la douleur qu’on balade comme un chien sous une pluie battante.

           Enfin, tu deviendras émotion pure des rêves insensés.

    Hors des potions magiques et des affres matérielles, le temps se presse. Redevenir ce cri originel, à l'avenir sibyllin. Repartir les pieds nus sur les cirrus doucereux. Être l’évent impalpable, translucide de soi-même. En sortir déchaînée, apesanteur retrouvée. Circuler dans son propre esprit à la vitesse de la lumière. Accélérer encore. L'ellipse se cintre en huit. Hurler dans la transparence du silence, écrire jusqu’à la dernière pensée en ultime ivresse. S’alcooliser aux rêves les plus fous. S’enivrer quand tout sera dit en une ligne adrénaline, suprême et envoûtant coup de cœur. Griller la der des ders, et garder en bouche ce dernier vers. Goûter à nouveau aux vertiges sidéraux. Particules pyrotechniques, magnétiques. Atome éthéré avant de s’abdiquer dans l’inconnu du vide.

           Bientôt, tu seras folle, mais libre...

     

    Anna –  31 octobre 2014© 

     

    Pink Floyd - High Hopes

    (VO en attendant qu'elle passe sans accroc au piano)

     

     

     

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