• * L'ENCRIER * « Lili Candi »

    Exercice personnel : usage d'un vocabulaire le plus complet d'un unique domaine.

     

     

     

     

     

          Elle avait dix-sept ans, et de grands yeux caramel. Je m’en souviens comme si c’était hier. Elle savait cristalliser toute mon attention. J’aimais le printemps l’extirpant enfin des laines hivernales. Elle déployait ses longues boucles sombres, tels des rubans de réglisse. Entre ses rondes pommettes rose chamallow, un doux sourire calisson se réveillait au dessin de ses lèvres couleur coquelicot. Elles s’allongeaient sur de jolies dents bien blanches rangées côte à côte comme les dragées d’une boîte de baptême. Déjà, je devenais polisson rêvant à mille baisers et tendresses arabiques. Tel l’audacieux arlequin, j’imaginais au fil des jours leurs saveurs changeantes de cerise, de mûre, ou encore de violette. Dans les clémences d’avril, sa pâle peau d’anis se dorait bergamote avec lenteur. Elle était à croquer !

     

           Fiévreux à l’aube des vacances, je la guettais ensorcelé à l’angle de la rue. Sous le soleil, la verte angélique de sa jupe berlingot satiné se diamantait d’un délicat sucre filé blanc. La fine étoffe voletait légère dans le mistral gourmand. J’aurai pêché pour butiner sa gorge de miel dévoilé aux premières chaleurs de juin. Parfois, une fine bretelle glissait lascivement de l’épaule mirabelle. Brusquement sans prévenir, elle disparaissait s’amuser en famille vers les rivages sablés, se fondant dans les flots aux ondulations menthe fraîche. Je la devinais en maillot, sensuellement allongée sur une grande couverture, un livre à la main, une fleur d’oranger ou de vanille parfumant sa sombre chevelure. Les rayons ardents de l’été ambreraient furtivement son corps sucré, il se ferait vergeoise.

     

           Gentil nounours au cœur guimauve, bien loin du genre malabar, j’attendais la rentrée, impatient. Dans son sillage automnal de pommes acidulées et de poires cuivrées, elle me revenait la peau dorée, croustillante nougatine. Ses joyeux regards en amande s’illuminaient davantage. Je me serais fait espiègle écureuil pour ne lui en voler qu’un et l’épargner tout au long l’hiver. D’ailleurs, j’en haïssais le froid si glacé qui gélifiait son adorable truffe, prenant alors une douce couleur framboisine. Elle recouvrait ses jambes infinies de collants zébrés tels des sucres d’orge. À l’approche des fêtes, une écharpe scintillante enveloppait son cou comme une papillote d’or et d’argent. Son grand manteau dissimulait de toutes prunelles indiscrètes ses plus beaux fruits confits. Avec la trêve des confiseurs, Noël me l’enlevait encore. J’aurai fait alors les pires bêtises pour la retrouver, et la câliner roudoudou affectueux au milieu de mes bras. Moi, j’aurais bien voulu suçoter ses deux petites myrtilles Chupa Chups et ne faire qu’une bouchée de son adorable friandise. Plus encore si elle le souhaitait... Tagada...

     

            J’avais quinze ans à peine, trop timide pour lui parler. Aujourd’hui, j’ai de la barbe comme papa, mais quand je ferme les yeux, ma mémoire semble encore respirer ces arômes sucrés qu’elle essaimait tout le long du trottoir en allant au lycée. Lisette était la fille de marchande de bonbons à deux pas de chez moi, sur le boulevard Harry Beau. Je ne l’ai jamais revue...

             Ô délicieuse « Lili Candi », tu te caches où ?

     

     

     

    Anna – 18 Janvier 2014 ©

     

     

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