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Esprit fourmilier
Qui jamais ne s’arrête,
Régalé de sons imagés
Filme en road movie
Dans l’écho de la nuit.
Au creux des plumes,
Le bleu remplit les ombres,
Un rire reflet trame le vide,
Le miel ourlé abreuve l’éther,
Deux ailes drapent les frimas.
Sur le fil de l’éclipse
À l’abri des paupières,
Un visage en doux songe,
Rêveries de promesse
En frivoles augures.
Au milieu du sommeil,
Naît de la plume ranimée
Le plus beau des poèmes :
Écrire toujours son nom
Sur les murs de mon cœur.
Anna – 16 Octobre 2013 ©
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Atelier d'Ecriture - A LA MANIERE D’ELENA FERRANTE
évoquez dans un premier temps une scène particulièrement scandaleuse dont vous avez été le témoin. Puis, racontez-nous la réaction qui aurait pu être la vôtre (si vous aviez fait preuve de lâcheté ou de complicité) en l'introduisant, par exemple, par : « j'aurais dû me mettre en colère mais c'était plus fort que moi… ». Terminez votre texte par la description de votre véritable réaction après avoir utilisé une expression comme « au lieu de cela, j'ai… ».
Dali - Le miel est plus doux
Il y a des événements qui vous prennent le fond des tripes, d’autant plus fort que ce sont les vôtres essorées comme une vulgaire serpillère. À nouveau la sphère médicale, cette fois le kyste en moins, tombé le 11 septembre ! Paf, comme un bras d’honneur au cancer ! L’angoisse revient après. À quelle sauce médoc on va vous manger... ? Y a pas des millions possibilités, on est dans le rythme binaire intellectuellement simple : radio – chimio... Quoi que ...
- « Nous avons débattu longuement sur votre dossier la semaine dernière...
- Longuement ? Ah ?...
- Il manque 3 centimètres, la tumeur fait 5 et non 2.
- Et ?...
- Il va falloir rouvrir. Vous avez deux possibilités. La première : on retire les 3 centimètres manquants, puis radio + chimio ou Numéro 2 : mastectomie + chimio, avec possibilité de reconstruction dans un an environ.
- Pardon ?...
- La deuxième solution est la plus adaptée... Alors que fait-on ? »
Il me semblait entendre le boucher me dire « Et avec ça ma p’tite dame, j’vous mets quoi ? »... soupesant largement le bifteck qu’il venait de trancher. J’aurai dû poser la question fatidique « Et quand vous avez ouvert, vous n’avez rien vu ? », suivie d’un ironique « l’hosto a besoin de faire du chiffre, faut du rendement hein ? ». J’aurai dû lui lancer « Bien sûr, la mastectomie ! Idéale cette fois pour ne rien oublier ! ». J’aurai dû être possédée d’un dégoût violent, bondir de ma chaise, lui aboyer dessus comme un pitbull la bave aux lèvres, cracher mon fiel à la figure. J’aurai dû dans un geste de rage lui retourner le bureau, faire valser ordinateur, crayons, dossiers... J’aurai dû l’étrangler avec son stéthoscope, lui cingler la tronche des gants latex de son incompétence, lui fourrer au fond de la gorge pour qu’il se taise ! J’aurai dû lui arracher les yeux façon « Docteur Maboul »... Bip... Touché ! Pas de chance, t’as perdu ! J’aurai dû gifler violement son assistante pour essorer ce sourire béatement poli, lui faire gober les yeux de son patron et sa boîte de mouchoirs en papier....
Au lieu de cela... Au regard des Articles L433-3 et L222-8 du Code Pénal visant aussi à la protection du personnel médical contre les menaces, violences, voies de fait ou injures, diffamations ou outrages dont ils peuvent être victimes dans le cadre de leurs fonctions, je n’ai rien dit, je suis partie... Aux regards des blouses blanches, je pleurais.
Ce texte a été relayé sur le blog "Stop au Cancer"
Anna – 9 octobre 2013 ©
RMQ. : J'ai longtemps hésité... Mais je ne peux me taire tout à fait...
J'ai été opérée à l'Hôpital de Poissy (78), par le Docteur G.
Que cela serve au moins aux autres femmes
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Il cherchait un petit cœur...
M’offrant un soir le sien
Mon amour a trouvé,
Résonance intensifiée.
Trop.
Devint ma sève, mes entrailles,
Mon fabuleux calice,
S’ajoutant à mon fils
Dans mes battements d’âme.
Forts.
De mille délicatesses, espérai
Annexer ses blessures,
Ces sournoises tenailles
Qu’il taisait par pudeur.
GRIFFES.
De son Panache m’offrit Plume,
Enfantant mes mots d’encres
Saphir de sa tendresse,
Rubis de mes désirs.
feu.
Puis... vint le temps élastique,
Mû de souffrances fantômes,
Récusant ces éclats de bonheur
Auquel tout homme a droit.
mésestime.
Répudiant mes baisers,
Mon corps, mes offrandes,
Ma force fut meurtrie,
Ma plume se brisa.
Net.
Ma flamme jetée au feu
Tel un vif écorchoir,
Anna perdait son âme,
Elle et moi, elle est Lui.
Nous.
La nuit quand la vie s’erre,
Les mots d’envies se vident
Les ai effacés, lentement, un à un.
Sans Lui, plus d’espérance.
Néant.
Le cancer peu m’importe
Refuserai les soins
Pour qu’il rogne plus vite,
Ce corps mutilé.
Ruines.
Réveillant le dark side,
Mon geste de désespoir
Avait anéanti Lui, un soir,
Révolté mon fils, au matin.
Gâchis.
Sans Lui, que devenait Anna ?
Futur en épanchement poèmes
Insipides jus de vaisselle
Tout imprégnés de moi.
MAELSTRÖM
Cherchait-il cette nuit-là,
M’offrant ce petit cœur,
Mes mots encrés d’amour,
Éternel, infini, finalement...
MON SILENCE...
Anna – 2013 ©
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Illustration par l'Auteure - Encre de chine façon Hokusai
Erik SATIE - Gymnopedie N°3
Douillette maison
Courtisant l’horizon
Dans le flou des flots,
Paisible,
Aux murs blancs
Éclaboussés de soleil
Qui font plisser les yeux,
Avec des morceaux de ciel
En fantaisie bleus volets.
La plage en seuil bordé
D’écumeuses dentelles
Sur l’étole grains d’or
Mêlés aux grains galets
Des nacres coquillages.
Au loin batifolent déjà
Les triangles rougissant
Trop étreints
Par la bise joufflue,
Espiègle.
Le proche ressac
Nous berce en hamac,
Sereins.
Les soyeuses caresses
Des mousses lactescentes
Épèlent chaque vague
D’un joli nom de perle.
Somnolence...
Anna – 20 Septembre 2013 - ©
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Un prénom
En régulier retour
En douce
En précieuse défaveur.
Les Je, les Tu
En égales variations
En signal
En nous ignoré.
Les mots tendres
En lente mutation
En ressac
En quelques instants.
Des remerciements
En complices lectures
En amis
En polie déférence.
Les regards
En absence échangée
En intervalles
En invisible.
Les désirs
En lointains espoirs
En incertains
En tracés flous.
Des interrogations
En chroniques anaphores
En ravages
En discrète fissure.
À un pas de plus
En candide étourderie
En borderline
En la mer d'oublis.
Anna – 20 Septembre 2013 ©
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« Déprisme »
(Illustration par l'Auteur)
Pink Floyd - The Great Gig in the Sky
Les couleurs se délavent,
L’oriflamme se floue.
Mes yeux mêlent eau
Abreuvant le Styx
En perspective soluble.
Les astres sous la grêle,
Que dis-tu ?
Peut-être le vide des mots
Que je n’entends plus,
Et leurs soies se dérobent.
L’écume sort en bouche
Dégoût sans faim
Astre d’étreinte s’éteint
Inappétence
En lèvres éclipsées
Mes doigts dé-coudoient
Ce sillon de terre
Que pourtant je creuse
En vaines empreintes
T’en souviendras-tu ?
En bouquet terni
La fièvre se glace
Mon essence en vital nectar
Dans le loin-temps s’exhale
En ectoplasme trop flou.
Disloquée me bats que d’une aile
M’abîme dans ces limbes
Sex sans pile, utopique chevauchée
Anamorphose, dévitalisée en prisme,
...
Dispersion chromatique en ultime cri.
Anna – 18 Sept 213 ©
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Bientôt se lèvera l’aube
De mon non demain.
Je sais mes aujourd’hui,
Me souviens des hiers,
Et mes après ?
Vision floue.
L’agenda se vide
Qui vais-je voir ?
Quand le ferais-je ?
Planning, rendez-vous,
Clients, travail...
En mots futiles
Rangés dans une boite
Déjà en souvenirs.
Mes deux hommes
Seront là
Que leur offrirais-je ?
Mon amour
Oui profondément,
Ma douleur
Ou mes pleurs,
Mes luttes
Ou mes défaites ?
Bientôt se lèvera l’aube
De mon être flou.
Anna – 25 Août 2013 - ©
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La mer range le sable, aseptise ses côtes
En écumeuses cavales, dans peu,
Sous la lune en témoin,
Les lavera à grandes eaux...
En flots sombres engorgés
Les Parisiens retrouvent leur scène
Sous mon regard flâneur
Bureaux, métro, boulot...
Dame ferrée se dénude lascivement
Des derniers globe-trotters
Sous les dorées prunelles
D’une esplanade déshéritée...
Les petits tabliers tailleront la mine,
Les doigts bleus encriers
Sous républicaine tutelle
Se dresseront savants...
Le soleil décochera ses flèches
En ultimes terrasses
Sous le midi indien
Des derniers déjeuners...
Les premières brumasses couvriront
De nappes lactescentes
Sous le prime cristallin
Les placîtres et les champs...
Rambouillet alors se revêtira
D’almandin et d’ocres poétiques,
Sous la brosse marivaude
De quelques chevalets...
Anna – 22 Août 2013 ©
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Voilà... je suis arrivée,
Mes inquiétudes,
En boucles phylactères,
Dans la salle d’attente
De cette sphère médicale.
Entourée de femmes bulles,
Heureuses de porter le monde,
Rondes et ventre en avant.
Moi aussi, j’ai une boule au ventre
Qui remonte au fond de la gorge
Pour redescendre en yoyo.
Pas mangé, envie déjà de vomir.
Le plus dur est l’attente,
Les aiguilles en rotation de la pendule,
Les disques vitrés de l’oculus des portes,
Les fauteuils en cirque autour de la pièce,
Les auréoles halogènes contrastant
Dans les carrés blancs du plafond...
Tout est rond ou sphérique,
À plat ou en volume.
Les images d’une bille tournent
Comme la lune en révolution,
En boucle infernale dans ma tête,
Un kyste inquiétant : diamètre 2,5 cm
Dans la courbe douce de mon sein.
Bientôt une heure... j’attends toujours.
Victime à mon tour de la rotation-mania,
Je marche et tourne en rond
Comme pour évacuer le stress
Dans la force centrifuge d’une essoreuse à esprit.
Je me rassois, prend le crayon : j’écris
Mes émotions en carrousel,
En lettres rondes, calligraphiées.
Je crois que j’ai peur.
Je clos mes globes oculaires,
Le ronron du moteur de la clim’ me berce,
Je somnole.
Le toubib me réveille,
Me conduit dans son bureau.
Pas de verdict officiel,
La biopsie ne corrobore pas l’imagerie,
Ils vont la refaire...
Encore attendre,
Demain midi.
Lui, le chirurgien est sûr
À 98 % de ses clichés,
Son intime conviction,
Et cancéreuses conclusions.
On fixe les dates,
RDV
Anesthésie
Bloc opératoire
Documents à remplir.
Le 4 vous convient-il ?
Ah non, pas le 4 !
Vous n’aimez pas le 4 ?
C’est mon anniversaire !
Alors ce jour-là, ailleurs...
Pas sous votre scalpel.
Le 11 alors ?
OK pour le 11.
Je pose mille questions,
Pratiques,
Logistiques,
Et mode opératoire,
Sans bafouiller,
Ni frémir.
Suis étonnamment calme,
Et me surprends moi-même.
15H50 :
Fin de l’entretien.
À bientôt,
Au 11.
Drôle de date aussi,
Celle-là,
Mais moi,
Une tour sur deux tombera.
Retour parking,
Dans ma voiture,
Seule.
SMS à mon tendre amour...
Appuyer sur « envoi »
Message parti...
Je m’écroule.
Anna – 8 Août 2013 - ©
Texte relayé sur le blog "Stop au Cancer"
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Huile sur toile de Marin-Marie
Des lointains zéphyrs gonflant les gréements de mon cœur,
Aux féroces typhons exfoliant l’amarrage en émois déferlants
Les poèmes en baume couchés sur des voiles papyrus
Naviguaient au près dans les flots bouillonnants.
Le capitaine solitaire fut généreux, sûr de sa cambuse,
Les mâts cabotaient conquérants sur l’étrave gaillarde.
Puis vinrent les temps nouveaux, ceux des grandes armadas
Essaimant mille toiles sous les souffles stellaires.
Les drisses étaient fragiles, l’épissure incertaine,
Trinquette, focs et huniers aisément tourmentés.
Le capitaine, incertain et soucieux, doutait de son fardage,
Dont les ardentes fougues vous plongent à la dérive.
Depuis le Grand Bé, les longues vues curieuses
Contemplaient d’un œil singulier, explorant ça et là,
Les œuvres vives en quelques infimes touches,
Admirant le galion isolé sans jauger les tonneaux,
Omettant d’embarquer dans leur contemplation
Le reste de la flottille, l’armada toute entière.
Sur les cartes au long cours, les sextants sont muets.
Sur le choix des escales, l’orientation des tentures,
Faut-il changer de cap, border le point d’écoute ?
De la capitainerie ou du bord de la grève,
Quel fin navigateur ou valeureux corsaire
Voudra sur l’aventure confirmer la manœuvre ?
Anna – 5 Juillet 2013 - ©
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Atelier Ecriture – « Marionnettes – Ficelles d’écriture en atelier »
- « Bonjour, nous sommes en direct des Ateliers Marabout, où la crise économique ne semble n’avoir aucune prise sur l’activité. Je vous propose de découvrir son secret et de rencontrer son gérant. » annonce fièrement Catherine journaliste sur Radio-Cancan, micro en main, plantée devant une immense bâtisse.
- « Paul, peux-tu vérifier la commande pour le Faubourg ? La camion est prêt à partir, et faudrait pas que l’on se plante comme pour celle de W.D.C. ! demande Jacques.
- Monsieur Jacques, pouvez-vous nous présenter l’activité de votre entreprise, une société familiale avec une histoire fabuleuse, vous nous la racontez ?
- Oui en effet, cela fait neuf générations que les Ateliers Marabout existent. Cela ne nous rajeunit pas hein ? À l’origine, nous fabriquions des gréements et des voiles pour les navires : haubans, garcette, aussière... C’était du temps des grandes découvertes maritimes, de la Compagnie des Indes et des barbaresques ! Cela a été notre activité principale pendant quatre ou cinq générations.
- Puis est arrivée la révolution industrielle, qui a été un tournant dans l’activité des Ateliers, je crois ?
- En effet, mes ancêtres ont su s’adapter à cette nouvelle demande plus axée sur ce qui était levage. Aux éléments d’arrimage ou de manutention, nous avons développé palans, poulies et treuils. Les entreprises industrielles anglaises puis françaises en plein boum étaient très demandeuses !
- Les Ateliers ont-ils connus d’autres tournants dans leur activité ? demande la journaliste
- Plusieurs même ! Nous avons connu ensuite une demande plus orientée sur les loisirs, les sports comme l’alpinisme avec les harnais et les sangles... ou liée aux spectacles comme les compagnies de cirque... On avait même fourni le matériel pour emballer un pont parisien ! Pour vous dire... et toute cette activité continue bien sûr...
- Comment faites-vous pour passer au-delà du temps, qui ne semble n’avoir aucune emprise sur votre activité, comme la crise elle-même qui ne semble pas vous affecter ...
- Il y a quelques années, nous avons dû revoir intégralement la conception de certains de nos produits. Nous étions devant une demande bien spécifique. Il nous fallait produire de la ficelle.
- De la ficelle ? Pardon ?... De prime abord, cela ne devait pas vous poser de problème particulier ? Si ?...
- C’est que cette ficelle devait être la plus solide, la plus fine et surtout la plus invisible possible !
- Invisible ?! Aaah ? et pourquoi ? Qui vous faisait une telle commande ?
- Faisait et font toujours ! C’est notre produit leader désormais ! Vous comprendrez que je ne peux vous en révéler ni les secrets de fabrication ni l’identité exacte de nos commanditaires, mais je peux vous dire que cela marche du feu de dieu !!
- S’il vous plait, dites-nous en un peu plus malgré tout... Ne tenez pas ainsi nos auditeurs en haleine...
- Il s’agit de la ficelle pour marionnettes.
- Euh ?... des marionnettes dites-vous ? Guignol, Gnafron et la Madelon ?... Excusez ma surprise, mais je ne vois pas en quoi cela est nouveau !
- Oui oui... bien sûr... vous pensez à ces marionnettes-là... forcément... Non, moi je vous parle de vous... de moi... de nous tous... Nos donneurs d’ordre sont les États, les gouvernements... Ce sont eux qui tirent les ficelles du monde... et personne ne le sait vraiment, ni le quand, ni le comment... Chacun ne sait vraiment par qui il est manipulé, parfois par plusieurs personnes selon les circonstances... On est dans une autre dimension ma p’tite dame !
- Mais si vous dites... nous, le monde, moi... vous aussi alors vous êtes manipulé !
- Oui mais moi je le sais... Et vous savez, je m’en fiche complètement tant que les carnets de commandes sont pleins ! »
Anna – 27 Juillet 2013 ©
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Huile sur toile - Thomas SOMERSCALES
Le brigantin sort à peine du vide, du néant... Pas de cette immobilité où les vents s’absentent de la misaine et du grand hunier, non ! On parle d’un cœur à corps sur une mer amère sans amer condamnant toute manœuvre ribaude, d’un combat acharné entre la carène et les lames bleues d’acier menaçant la ligne de flottaison même pour un bateau lège... Pas d’une simple algarade, non ! On parle d’une déclaration de guerre par la houle grondante et déchaînée escomptant engloutir l’embarcation en une goulée dans les noires écumes de ses nuits abyssales. Les rafales déchiquettent les toiles, les mâts et leurs vergues se tordent de douleur forçant le choix de ferler ou border.
Malgré les premières avaries, il faut maintenir le navire à la course, embraquer. Entre sextant, compas et sablier trouver et forcer le cap. Le bosco doit encore décoder les énigmes, reliefs terrestres et courbes isobaths des cartes marines, rester sourd aux chants des sirènes et déjouer les pièges des récifs étoilés crevant le ventre. Alors les yeux vissés sur l’horizon, rassérénant l’équipage hagard sur le tillac, il s’oblige à naviguer au près, à la bouline, évitant toute flibuste. La lutte demeure serrée et les bouillons dangereux. Des mille restes à parcourir avant de cramponner l’aussière, mouiller et pouvoir radouber.
Le fébrile équipage attend chaque nuit l’heure où la vague se fait prochaine, celle qui se dressera comme un mur brocardant le grand foc ou le beaupré pourtant érigé comme un index sévère admonestant toujours les flots rugissants. Celle-là, l’ultime, qui engloutira le bâtiment du safran au pavillon avec âmes et tonneaux, le jetant dans les tréfonds comme une poignée de ramilles. Le capitaine se doit de garder la foi en l’étrave qui devra pourfendre les sombres eaux vrombissantes. Dans l’obscurité, la proue saura faire bonne figure devant de tels bouillonnements. Passer chaque borgnon sans fanal ni encombre. L’épreuve sera plus terrible que le jeu du couteau entre ses doigts, le bosco le sait.
Et la houle frappe encore d’estoc et de taille, perçant la carène, là plus haut sur le bâbord.
Puis ce fut tel un ouragan, croulant sous une cabale d’écumeuses cavales, le brigantin plongeait entièrement dans les abîmes comme pour être projeté plus vivement encore contre des murs d’eau.
Anna – 23 Juillet 2013 ©
Écrit sur le banc d’un parc – Je ne sais ce que deviendra ce morceau d’histoire...
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Le cœur claudiquant,
J’erre parmi les glaces,
Trop d’années,
Interminables.
Je m’enfonce inéluctablement,
Demains toujours sombres,
Plus torturants.
Mettre en ordre et fermer sa maison.
Abdication.
Plus de larmes, ni apitoiement.
La gorge s’étrangle,
La respiration s’étouffe.
Alors partir,
Nos dernières étreintes en intense souvenir,
Derniers sursauts du cœur et du corps
Dans deux bras tant aimés,
Adieu bonheur si doux,
Tardif,
Le ver est dans mon fruit.
Impossible d’aller plus loin,
Depuis longtemps,
Ce corps ne m’appartient plus,
Et sur mon âme déjà morte
Planent les vautours.
Éreintée tomber là
Genoux et mains à terre.
Tête basse prier le passage du Tarasque,
De ces démons qui me hantent
Et dont je ne sais crier le nom.
Baisser toute arme,
Abandonner toute résistance
Sans tenir tête aux Astaroth
Ni aux vils Serpents,
Inutile combat d’avance pugilat,
Offrir sans lutte la victoire aux Maudits.
Asmodée prend cette âme en lambeaux,
Et libère-la...
Enfin !
Qu’elle n’endure plus ni crainte
Ni cauchemar
À jamais...
Que sa fragile lumière disparaisse
Dans l’odeur croupie d’une vie abandonnée,
Cernée par les ténèbres de sa propre laideur.
Je n’entends déjà plus les suppliques de l’archange,
Bien égoïstement
Je reprends ma promesse,
Pardon, mille fois pardon,
Puisse-t-il m’absoudre,
Les voix du chaos grondent plus fort
Que sa tendresse posée sur moi.
Alors, tranquillement
S’allonger là,
Supplier la terre de se fendre sous mon corps,
Et que les mondes oubliés m’engloutissent.
Sans crainte du libérateur,
Des morsures de l’hiver éternel,
Plantées en athamée dans mes entrailles,
Ces charognes déjà visqueuses
S’offrant à Eurynome
Et aux larves gluantes.
Bientôt,
Sans peur,
Je fermerai les yeux.
Anna – 5 Juillet 2013 ©
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Extrait d’une 5ème nouvelle...
* Chap. 3 * Libération *
Trop jeune pour aller à l’école, puis retenu cantonné à la maison par crainte de représailles, le jeune Edouardo a vécu les années de guerre dans l’insouciance, doucement bercé sous le regard de sa mère, et dans les souvenirs paternels d’une Espagne meurtrie. Les guerres qu’elles fussent espagnoles ou mondiale n’étaient que des jeux de petits soldats pour les grands.
Par un jour de bonnes œuvres paroissiales, Edouardo avait récupéré trois soldats de plomb. Des morts, il n’en avait jamais vu ! Pourtant sur les marches de l’escalier de la maison, il se réinventait avec ses soldats les récits de combats entendus avec son père grâce au poste TSF du bar « El Tap » place de la Mairie. Edouardo y écoutait les nouvelles sagement assis bien droit sur sa chaise, mais gardait ses distances. L’œil vert inquisiteur du poste TSF lui foutait une frousse monstre, comme si le diable lui-même allait en sortir et lui bondir dessus ! La place de la Mairie était le plus loin où il avait été dans le village. Seul, il n’était pas autorisé à s’aventurer au-delà de la rue des Figuiers et la voisine rue des Escaliers. Les deux étaient trop étroites pour y laisser passer une quelconque voiture ; le danger selon Pepillo venant moins d’un éventuel accident que d’une éventuelle rafle avec mise en hébergement pour « Retirada ».
Le départ prolongé de son père, devenu comme il lui avait confié « soldat des montagnes », sonna la fin de l’insouciance et la réduction supplémentaire du terrain de jeu d’Edouardo. Jusqu’à ses huit ans, le gamin dut se contenter des six marches de l’escalier de la maison pour tout territoire autorisé. Maria devenue sombre ne parlait plus qu’en dehors des brèves directives matérielles. Il effaçait alors peu à peu de sa mémoire les bras affectueux et les tendres baisers ; laissant place aux seuls « ¡Lava tus manos ! », « ¡Resto tranquilo ! », « ¡A la cama ! » (3)… Les seules sorties se cantonnaient au lavoir de la rue des Clous une fois par semaine, et l’épicerie de la rue Sainte-Madeleine quand celle-ci avait été approvisionnée. Quand ils n’allaient pas courir le village, les autres gosses de la rue, bien plus âgés qu’Edouardo, se mêlaient à ses jeux. Edouardo découvrit les billes, les osselets, apprit le catalan et quelques mots de français, sans doute pas ceux de haute littérature, des jurons le plus souvent.
Un jour, en début de soirée arriva un inconnu, il avait salué Edouardo en frottant amicalement de sa main le dessus de la tête accompagné d’un « ègaille » qu’il n’avait pas compris. Il parlait peu, toujours en français, mais avec ce drôle d’accent chantant et bien moins rocailleux que celui des gens du village. À la surprise d’Edouardo, l’homme fut aussitôt accueilli par Maria avec un sourire. Mack restait sans sortir de la maison, Edouardo lui demanda :
- « Toi aussi t’es puni ?
- En quelque sorte… » avait-il simplement répondu.
Au troisième matin, il avait disparu. Questionnée à son sujet, sa mère répondait que les histoires de grandes personnes ne concernaient pas les enfants. Pourtant plusieurs mois après, toujours le soir tard ou au milieu de la nuit, Mack était de nouveau là quelques jours, et repartait… Ces visites impromptues intriguaient Edouardo. Les copains de la rue avaient des explications toutes trouvées :
- « C’est un espion américain j’te dis !
- Ouais même qu’il va en arriver plein d’autres !
- Comment tu sais ? questionnait Edouardo incrédule
- Mon père l’a dit l’aut’ soir… ils vont venir en foutre plein la gueule aux boches !
- Ouais même qu’ils ont des mitraillettes !
- Et des chars aussi !
- Ouais même que ça s’ra bien fait pour les fridolins !
- Fridolins ?
- Les allemands quoi… j’te dis qu’ce mec c’est un espion !
- Ouais même qu’il va faire exploser les ponts, ils s’ront coincés et après les résistants y vont les écrabouiller !
- Y a pas de fridolins chez moi ! protestait Edouardo
- Bin non, c’est la planque à ton amerloc’ pardi ! »
Le mystère « Mack » était enfin levé, c’était donc un espion américain venu pour écrabouiller les fridolins… Cela n’expliquait pas ce qu’il faisait à la maison… Et son père qui ne rentrait pas… peut-être que Mack avait des nouvelles ? Les allers et venues de Mack s’accéléraient… courtes, mais de plus en plus fréquentes…
Anna – 23 Juin 2013 ©
N5 – Total 50 pages - Copyright numéro 00052576
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Les premières lignes de ma troisième nouvelle...
Paris, 18 h 30 – Après avoir enfilé son intégral, baissé la visière, ajusté le velcro de ses gants, entendu le léger « clonk » du premier rapport dans le jour qui tombait, la sortie de la ville par les quais sud et le périphérique lui permettrait de se jouer facilement des voitures rentrant docilement vers leur garage, pour quitter le cloaque de la métropole. Aldine, elle, ne savait absolument pas où la route allait la mener, ou plutôt si, mais ce n’était pas tant la destination qui importait, que la vitesse à laquelle elle allait pouvoir flirter avec l’asphalte. L’envie de tout plaquer et disparaître l’avait envahie comme un dégoût qui vous serre l’estomac et vous remonte dans la gorge. Ou était-ce le profond désir de reprendre la main sur sa vie, ou encore celui de déguster à nouveau le temps de la jeunesse impétueuse et ignorante ? Instinctivement, elle avait enfourché sa moto et pris la direction de l’autoroute du sud. La vitesse était une sorte de valeur refuge lui permettant de se vider la tête, d’évacuer sa rage au fur et à mesure qu’elle essorait la poignée. Cette fois, la fureur lui oppressait tellement le cœur qu’elle ne savait pas encore vers où guider son destin, aucune décision n’était prise. Aldine avait un tempérament de feu et connaissait les vives réactions dont elle était capable, elle aussi montait aisément dans les tours. Il lui fallait partir loin, seule, pour réfléchir, et sans gamberger vainement si elle le pouvait...
Passé Arcueil, déjà l’A6a lui permettait de mettre les gaz du monstrueux V4 de sa bonne vieille V-Max qui ronflait à merveille ; les genoux à la base des écopes transmettaient à tout son corps les douces vibrations de la mécanique. Le phare déchiffrait les premières trajectoires, troisième rapport 115 km/h... encore quelques kilomètres pour laisser derrière elle les dernières charrettes effarouchées par les radars fixes, et les chevaux pourront se lâcher. Cramponnée au guidon, calée contre le dosseret de la selle, Aldine n’avait pas envie de calmer sa machine, cinquième rapport 160 km/h... la moto s’arrachait du bitume avec aisance, et montait sans broncher dans les régimes. Au sixième rapport, elle s’approchait des 180. Bientôt à l’heure avancée de la nuit, la maréchaussée dormirait, et Aldine fera la nique aux radars qui pourront la flasher, elle s’en moquait.
...
Anna – 17 Mai 2013 ©
N3 - Total 22 pages - Copyright numéro 00052576