• * L'ENCRIER * « Dernier Vol pour l’Inframonde » - 5/8

     

    * L'ENCRIER * « Dernier Vol pour l’Inframonde » - 5/8

     

     

           Orange, 0 h 55 – Juste avant la bifurcation entre les autoroutes A7 et A9, la Mercedes freina en extrême urgence. Malgré de puissants disques ventilés, elle percuta l’arrière d’un monospace l’envoyant balader sur la droite vers la bande d’arrêt d’urgence comme une boule de billard. Découvrant trop tard deux autres véhicules légèrement accidentés plantés juste après le monospace, à moitié sur la file centrale et celle de gauche, Karl donna un coup de volant, mais la roue avant gauche en mordant le muret central fit prendre à la Mercedes le départ pour un envol avec atterrissage sur le toit, et lui laissa la faculté de jouer au bowling en s’aplatissant en plein milieu des deux voitures accidentées. La V-Max qui collait au train la Mercedes réussi à éviter la première des voitures, mais s’emplafonna directement dans la CLS à peine reposée sur son toit. La V-Max s’écrasa en se plantant littéralement dans la portière droite, stoppant net et projetant Agnès par-dessus les roues fumantes de la voiture...

           Au moment de l’impact, ses bras s’enfoncèrent douloureusement dans ses épaules en même temps que ses fesses quittèrent la selle. Comme un long vol d’Icare, suspendu, au ralenti, elle ne ressentait pas la violence du choc. Elle se voyait docilement projetée vers l’avant, passer au-dessus du bas de caisse de la Mercedes . Elle ne voyait plus clairement les autres conducteurs se diriger déjà vers elle, ou cette femme qui la regardait en se tenant la tête comprenant ce qui arrivait, comme aveuglée par la destinée qui l’aimantait. Les yeux déjà clos pour mieux faire face à l’inéluctable, Agnès comprit que son désir de mort allait se réaliser plus tôt que prévu.

           Elle ne verrait donc pas les blanches falaises de Cassis...

           Encore ivre d’adrénaline par cette course folle de trente minutes, elle crut apercevoir les yeux océan de Marc... sentir la douceur de ses lèvres tendres dans leurs suaves baisers... la chaleur du feu de leurs corps après l’amour... Incapable d’un quelconque mouvement, figé dans l’inexorable vol, le corps d’Agnès s’enroula légèrement vers l’avant au-dessus de la CLS pour se laisser projeter bien en avant sur le bitume. Son hasard en avait donc décidé autrement, la chute de son histoire était là et maintenant. L’image de Marc fugace et déjà floue traversa une dernière fois son esprit, elle crut même s’entendre lui dire « Au revoir, mon amour »... Déjà son casque percutait le sol... grand trou noir... fin de vision... puis Icare lâcha ce corps comme un pantin sans fils, Agnès glissa inerte sur plusieurs mètres.

           Après le vacarme des tôles qui se déchirent, le silence imposant, pénible et lourd... quelques rares bourdonnements de moteur subsistant à travers cette espèce de chape de plomb tombée en moins d’une minute, puis déjà les premiers cris montaient prenant conscience de la gravité de la situation. Des débris disséminés, morceaux de feux arrière, parechoc, rétroviseur, vision de désolation. Karl était sorti de sa voiture, sous le choc, mais incroyablement indemne, quelques égratignures et des douleurs cervicales. Il se dirigea aussitôt vers le corps d’Agnès, gisant sur le sol telle une marionnette désarticulée. N’osant la toucher, il l’appelait comme pour la réveiller d’un terrible cauchemar. Après un temps qui parut une éternité, deux patrouilleurs de l’autoroute se placèrent en protection amont pour bloquer l’éventuelle circulation... Deux VSAV (véhicule de secours et d’assistance aux victimes) des sapeurs-pompiers et un médecin urgentiste du SMUR (service mobile d’urgence et de réanimation) de l’hôpital d’Orange s’installent dans un flamboiement d’halogènes inondant l’autoroute comme si le jour s’était soudainement levé. Arrivée sur place, la Compagnie Républicaine de Sécurité commença à prendre note des faits : identification des victimes, des témoins, consignation des immatriculations, mesures topographiques et autres relevés habituels de circonstances lors d’un accident sur la voie publique. Deux véhicules d’urgence médicalisée de l’hôpital d’Orange arrivèrent également sur les lieux transformés en une sorte de fourmilière géante parfaitement orchestrée, chacun sachant clairement le rôle qu’il avait à jouer. Il n’y avait pas de blessés graves parmi les occupants des premiers véhicules accidentés, les personnes étaient plutôt en état de choc. Seul l’état d’Agnès était critique.

     

           Orange, 1 h 28 – Héliportage vers le centre hospitalier.

     

     

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