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* L'ENCRIER * « Nocturne »
Pesanteur étouffante immobile sous la tonnelle. Le soir venait. Crissements d’ailes sur le muret encore gorgé des ardeurs du jour. Mes yeux clos suivirent les premières ondulations allègres d’un vent nouveau. J’imaginais cette aimable caresse enjamber les haies et les fossés, se jouer des cimes trop hautes, valser dans ce crépuscule incertain. À son tour, l’angle du toit siffla. Il semblait lui répondre, comme deux couplets naissant d’un même chant modulé. Engoulevents et Philomèles s’étaient tus à son passage. Fiévreux, l’air glissait doucement ses doigts espiègles dans mes cheveux. Il venait du Sud et me portait le parfum citronné du thym et les sucres du verger, le bouquet de hautes herbes du talus et des récentes fenaisons. Effluves à la rondeur du pain sortant juste du four.
Touches délicates pianotant sur l’auvent et les allées. La pluie s’approchait. Légères palpitations, cliquetis libérés éclaboussant la poussière, empreintes rythmées d’une caravane poursuivant sa route. Inlassable voyageuse. Depuis la fin de l’après-midi, le ciel enflait, roulait en gris galets. Toujours plus oppressante, la moiteur se fit semblable aux jungles amazoniennes. Enfin, sous mes pieds nus, la terre se délivrait timidement de ses brûlures du jour. En fougueuses bourrasques, le souffle chahutait ma chevelure défaite. J’ai souri à cette amitié naissante pleine de promesses, je crois qu’il n’a rien vu de ces intenses retrouvailles. Surgissaient dans son sillage des parfums d’oasis éclos dans de contrées lointaines. Fragrances envoûtantes mêlées de sauge humide et de coriandre en fleurs.
Sombres volutes rudoyant la banne et les bardeaux. L’orage accourait. Préliminaires provocants, cumulus boursouflés déchirés de lumière, entailles impitoyables de flèches aveuglant l’azur. Noire croisade pyrotechnique. Resserrés dans la combe, de lourds tambours célestes avançaient, augurant une guerre longue et sans merci. En solides rafales, les froides bourrasques me cinglaient le visage, outrageant ma tignasse avec autorité. Avec une débauche scandaleuse, les éclairs se chevauchaient impériaux en violentes expansions de l’atmosphère. La terre se diluait dans des torrents de boue, quand les murs tremblaient sous ce déferlement retentissant. À l’aplomb de cet infernal tapage, cette invincible féerie me pétrifiait. Spectacle hypnotique avant, enfin, le silence d’une désolation n’osant entonner son thrène.
Anna – sept 2018
Tags : L'ENCRIER, Nocturne, Poésie, nuit, tempête, Anna Logon
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