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     HUMEUR - Écris, écris toujours !

     

    Je crois désormais que l'écriture est telle une serpillière qui ramasse tout sur son passage. Mais, avant de pouvoir l'étaler sur un des fils à linge à l'air libre de notre jardin, il nous faut la presser, la tordre, la débarrasser de ce trop-plein d'eau. Et la torturer encore et encore pour lui extraire ce jus de vaisselle insipide, inodore, décoloré.

     

    Alors seulement, dans nos mains, il reste l’essentiel déshydraté et pur... les mots.

     

    Anna « Pensées » © – 9 Juillet 2014

     

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     Mise en Voix par Jacques Lagrois

    Illustration par l’Auteure

     

     

    Un trop-plein de vide implose entre les tempes, et mon corps se délite. Je crains les lendemains ignorant mes hier, face-à-face silencieux de reflets sans tain. Transparences. Que faire sinon partir. Loin vers cet ailleurs aux frontières inconnues, évasion point de fuite sur la toile que l’on espère plus blanche. Plier les bagages d’interdits et les oublier là, réapprendre à marcher les pieds nus. Je fuis porte ouverte aux courants d’air des rues. Minuit passe, les chiens aboient encore. Le noir du ciel agreste m’ingurgite d’une seule bouchée, les râles d’humanité enfin s’égarent, fin d’urbanités. Qu’importent la déraison ou si mon pas ignore la pente et le chemin. S’échapper, fuir ce moi-même qui ne se sait déjà plus. Doutes.

     

    Des lueurs exsangues fendent soudain ma nuit, je n’attendais personne sur ce ruban obscur. Regard jaune vitreux, caoutchouc macadam, des freins souillent mon silence. Rencontre impromptue qui file vers la mer, violence translucide. Pare-brise couleur marine. Mes amers se disloquent. Je divague, me déserte. Abandon.

    Le temps s’éclipse. Les heures se muent en jours, puis en semaines. Je ne me ressens plus. Mon esprit comme posé à côté d’un corps inerte qui ne m’appartient plus. À quelques centimètres peut-être, combien ? Cinq ? Vingt ? Impossible de jauger, mon regard se cogne à des paupières closes. Mais pourtant j’entends... Tout. Tant de sons inconnus, mon cœur bipe synthétique, la porte, des allers sans retour, un diagnostic. Labyrinthique nébuleuse. Coma stade II.

     

    Enfin, ces paroles inquiètes. Elles questionnent ou sanglotent en secret. Je reconnaîtrai entre mille la douceur de leur timbre. Précieuses vibrations traversant mes cauchemars. Une longue ondulation plongeant soudain la main dans mes ténèbres visqueuses. Elle m’agrippe et m’extrait. Mon aimé vient me chercher, il est grand temps de rentrer. Je devine son souffle penché à mon oreille, sa chaleur qui m’enserre dans ses bras. Elle est lui tout entier. Toi, mon essentiel. « Pensez-vous qu’elle puisse m’entendre ? » Oui, oui mon adoré ! Pas un doigt, pas un son, nulle paupière cillant et pourtant... Comment te le faire comprendre depuis mon être sarcophage ? Les semestres détrônent les semaines. Inlassable petit poucet constelle toujours mes brouillards de joyaux souvenirs. Tonalités rassurantes. Sème encore tes mots tendres, précieux, puissants... Choux, bijoux, cailloux...

     

    « Monsieur, il faut la débrancher ». Secours sans issue ? Non, je suis là ! Ne m’entendez-vous pas rugir du fond de ma prison ? Je crie et hurle à m’en crever les tympans ! Je me griffe l’intérieur à force de me débattre. Il n’y a donc personne ? Mon amour tisse encore tes murmures fils d’Ariane, montre-moi le passage, je trouverai la sortie. Ne vois-tu pas ce sourire bercé par tes chants magnétiques ? Parle, raconte, vocifère, balbutie, soliloque, dénonce, ronchonne, chuchote, déclame, gueule haut et fort même si tu veux... Qu’importe, surtout ne te tais point ! 

     

    Mon Regard se Cogne © - Anna Logon

      

     

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     L'ENCRIER - « Anathème » - Dessin de l'Auteure

     Illustration par l'Auteure - d'après A. RODIN

     

     

    Comme l’éclat de la poudre des grandes ensorceleuses

    Vous faisiez de mes nuits mille et une évasions.

    De vos corps opiacés, vous dirigiez mes sens,

    Vos philtres les plus sombres régalaient mes extases.

    Vous enflammiez mon âme au désir sybarite,

    M’éveillant aux matins en poète prodige

    Jetant sur le papier mes troublantes passions.

    Tous alors s’arrachaient mes rimes paradisiaques.

    Je respirais l’avis des hommages divins,

    Tout Paris à mes pieds acclamait mes ivresses.

     

    Vous désirant félines, vous deveniez chacals

    Plantant vos crocs acerbes au cœur de ma chair.

    Où êtes-vous mes muses, mes belles libertines

    Aux gorges désireuses et voluptés sucrées,

    Folâtrant sur mon torse, revigorant ma plume

    Étourdie aux lueurs dansantes du crépuscule ?

    Sans vous, ne suis plus qu’une attente fiévreuse,

    Une rage bâillonnée condamnée à l’errance,

    Poète devenu fou à jamais incompris.

    Qu’ai-je donc tant écrit pour qu’on me répudie ?

    Aujourd’hui c’est les vers qui me rongent et me tuent,

    Quand ma prose sent la mort et l’agonie funeste.

    Tout Paris à mon cou réclame l’échafaud.

     

     

    Anna - 21 Juin 2014 ©

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    Il est de ces rencontres que l’on n’oublie jamais.

    Ruban de vies entre soi tissé,

    Passerelle diaphane

    Un là maintenant inexpliqué.

    Soudain par-dessus les vacarmes,

    Entre les sanglots du monde,

    Au milieu des fardeaux,

    Entre les hauts et les bas,

    Deux points se télescopent.

    Minuscules d’insignifiance,

    Se voient pourtant,

    Alors se reconnaissent

    À la croisée des courbures du globe.

    Les points se figent, troublés.

    Puis glissent l’un vers l’autre

    Sur la pointe des pieds,

    Vibrant la surface d’une eau

    Que l’on croyait calmée.

    Peu à peu, quittent le chemin,

    Abandonnent vieilles socques

    Ensanglantant les pas.

    Course suspendue à l’orée d’un regard,

    Frisson au détour d’une bouffée de chaleur,

    Silence apaisant en marge d’un baiser,

    Pause sereine aux frontières des cœurs,

    Source lumineuse qu’on souhaite infinie.

    Premières retenues, hésitations chétives,

    Débâillonnant l’avenir et chemin de traverses,

    En mots nomades, en maux passant,

    Laisser le temps à l’instant.

    Préférer le meilleur et rejeter le pire,

    Tisser encore des soies de vie.

     

     

    Anna – 19 Juin 2014 ©

     

     

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     L'ENCRIER - « Un Pont sans Pieds » - Dessin de l'auteure

    Dessin de l'Auteure

     

     

    Lames ravivées d’arcanes,

    Reflux d’un flou vieilli

    Aux morsures tenaces,

    De perfides chimères

    Rongent les pieds et l’âme.

    La verdeur s’est jaunie.

    Reflet jadis insouciant

    Miroirs ingénus

    Sourire mutin

    Aux à venir promesses.

    Tout à notre insu,

    Les hiers s’émiettent.

    Déretour brisant.

     

    Le monde virevolte,

    Farde en trompe l’œil.

    Puis disloque, tapi noie

    Tous les vagabonds d’âge.

    Les jours trop foudre

    Agrafent les cœurs

    Trop fous

    Au vide d’un loin-temps.

    Aimer à en crever

    La main évidée

    Tendue au bout du cœur.

    L’autre se cramponnant

    À l’entre-deux d’abîme.

    Les aujourd’hui se ruinent

    Sans hauban tissé

    Au nuage vertige.

    N’être plus ce qu’y fût.

    L’horizon se dégrève,

    Le pont n’a plus de pieds.

    Désincarnés.

     

    Se consumer

    Suspendu aux silences

    Déracinant les pas

    Perdus en clair-obscur.

    À mi chemin

    Patienter inerte,

    Débris calciné

    Aux mal-être du temps

    Vacillant d’incertain.

    Puis au milieu du gué,

    S’éthérer

    En vent mort.

     

     

    Anna - 17 Mai 2014 ©

     

     

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