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    « Septembre »

     

     

    La mer range le sable, aseptise ses côtes

    En écumeuses cavales, dans peu,

    Sous la lune en témoin,

    Les lavera à grandes eaux...

     

    En flots sombres engorgés

    Les Parisiens retrouvent leur scène

    Sous mon regard flâneur

    Bureaux, métro, boulot...

     

    Dame ferrée se dénude lascivement

    Des derniers globe-trotters

    Sous les dorées prunelles

    D’une esplanade déshéritée...

     

    Les petits tabliers tailleront la mine,

    Les doigts bleus encriers

    Sous républicaine tutelle

    Se dresseront savants...

     

    Le soleil décochera ses flèches

    En ultimes terrasses

    Sous le midi indien

    Des derniers déjeuners...

     

    Les premières brumasses couvriront

    De nappes lactescentes  

    Sous le prime cristallin

    Les placîtres et les champs...

     

    Rambouillet alors se revêtira

    D’almandin et d’ocres poétiques,

    Sous la brosse marivaude 

    De quelques chevalets...

     

     

    Anna – 22 Août 2013 ©

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    Voilà... je suis arrivée,

    Mes inquiétudes,

    En boucles phylactères,

    Dans la salle d’attente

    De cette sphère médicale.

    Entourée de femmes bulles,

    Heureuses de porter le monde,

    Rondes et ventre en avant.

    Moi aussi, j’ai une boule au ventre

    Qui remonte au fond de la gorge

    Pour redescendre en yoyo.

    Pas mangé, envie déjà de vomir.

    Le plus dur est l’attente,

    Les aiguilles en rotation de la pendule,

    Les disques vitrés de l’oculus des portes,

    Les fauteuils en cirque autour de la pièce,

    Les auréoles halogènes contrastant

    Dans les carrés blancs du plafond...

    Tout est rond ou sphérique,

    À plat ou en volume.

    Les images d’une bille tournent

    Comme la lune en révolution,

    En boucle infernale dans ma tête,

    Un kyste inquiétant : diamètre 2,5 cm

    Dans la courbe douce de mon sein.

    Bientôt une heure... j’attends toujours.

    Victime à mon tour de la rotation-mania,

    Je marche et tourne en rond

    Comme pour évacuer le stress

    Dans la force centrifuge d’une essoreuse à esprit.

    Je me rassois, prend le crayon : j’écris

    Mes émotions en carrousel,

    En lettres rondes, calligraphiées.

    Je crois que j’ai peur.

    Je clos mes globes oculaires,

    Le ronron du moteur de la clim’ me berce,

    Je somnole.

    Le toubib me réveille,

    Me conduit dans son bureau.

    Pas de verdict officiel,

    La biopsie ne corrobore pas l’imagerie,

    Ils vont la refaire...

    Encore attendre,

    Demain midi.

    Lui, le chirurgien est sûr

    À 98 % de ses clichés,

    Son intime conviction,

    Et cancéreuses conclusions.

    On fixe les dates,

    RDV

    Anesthésie

    Bloc opératoire

    Documents à remplir.

    Le 4 vous convient-il ?

    Ah non, pas le 4 !

    Vous n’aimez pas le 4 ?

    C’est mon anniversaire !

    Alors ce jour-là, ailleurs...

    Pas sous votre scalpel.

    Le 11 alors ?

    OK pour le 11.

    Je pose mille questions,

    Pratiques,

    Logistiques,

    Et mode opératoire,

    Sans bafouiller,

    Ni frémir.

    Suis étonnamment calme,

    Et me surprends moi-même.

    15H50 :

    Fin de l’entretien.

    À bientôt,

    Au 11.

    Drôle de date aussi,

    Celle-là,

    Mais moi,

    Une tour sur deux tombera.

    Retour parking,

    Dans ma voiture,

    Seule.

    SMS à mon tendre amour...

    Appuyer sur « envoi »

    Message parti...

    Je m’écroule.

     

     

     

    Anna  – 8 Août 2013 - ©

     

     

    Texte relayé sur le blog "Stop au Cancer"

     

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    « Le Bateau Livre »

    Huile sur toile de Marin-Marie 

     

     

    Des lointains zéphyrs gonflant les gréements de mon cœur,

    Aux  féroces typhons exfoliant l’amarrage en émois déferlants

    Les poèmes en baume couchés sur des voiles papyrus

    Naviguaient au près dans les flots bouillonnants.

    Le capitaine solitaire fut généreux, sûr de sa cambuse,

    Les mâts cabotaient conquérants sur l’étrave gaillarde.

     

    Puis vinrent les temps nouveaux, ceux des grandes armadas

    Essaimant mille toiles sous les souffles stellaires.

    Les drisses étaient fragiles, l’épissure incertaine,

    Trinquette, focs et huniers aisément tourmentés.

    Le capitaine, incertain et soucieux, doutait de son fardage,

    Dont les ardentes fougues vous plongent à la dérive.

     

    Depuis le Grand Bé, les longues vues curieuses

    Contemplaient d’un œil singulier, explorant ça et là,

    Les œuvres vives en quelques infimes touches,

    Admirant le galion isolé sans jauger les tonneaux,

    Omettant d’embarquer dans leur contemplation

    Le reste de la flottille, l’armada toute entière.

     

    Sur les cartes au long cours, les sextants sont muets.

    Sur le choix des escales, l’orientation des tentures,

    Faut-il changer de cap, border le point d’écoute ?

    De la capitainerie ou du bord de la grève,

    Quel fin navigateur ou valeureux corsaire

    Voudra sur l’aventure confirmer la manœuvre ?

     

     

     

    Anna – 5 Juillet 2013 - ©

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  • Atelier Ecriture – « Marionnettes – Ficelles d’écriture en atelier »

     

    * L'ENCRIER * « Ateliers et Bouts de ficelle »

     

     

    -   « Bonjour, nous sommes en direct des Ateliers Marabout, où la crise économique ne semble n’avoir aucune prise sur l’activité. Je vous propose de découvrir son secret et de rencontrer son gérant. » annonce fièrement Catherine journaliste sur Radio-Cancan, micro en main, plantée devant une immense bâtisse.

    -     « Paul, peux-tu vérifier la commande pour le Faubourg ? La camion est prêt à partir, et faudrait pas que l’on se plante comme pour celle de W.D.C. ! demande Jacques.

    - Monsieur Jacques, pouvez-vous nous présenter l’activité de votre entreprise, une société familiale avec une histoire fabuleuse, vous nous la racontez ?

    -        Oui en effet, cela fait neuf générations que les Ateliers Marabout existent. Cela ne nous rajeunit pas hein ? À l’origine, nous fabriquions des gréements et des voiles pour les navires : haubans, garcette, aussière... C’était du temps des grandes découvertes maritimes, de la Compagnie des Indes et des barbaresques ! Cela a été notre activité principale pendant quatre ou cinq générations.

    -   Puis est arrivée la révolution industrielle, qui a été un tournant dans l’activité des Ateliers, je crois ?

    -      En effet, mes ancêtres ont su s’adapter à cette nouvelle demande plus axée sur ce qui était levage. Aux éléments d’arrimage ou de manutention, nous avons développé palans, poulies et treuils. Les entreprises industrielles anglaises puis françaises en plein boum étaient très demandeuses !

    -        Les Ateliers ont-ils connus d’autres tournants dans leur activité ? demande la journaliste

    -     Plusieurs même ! Nous avons connu ensuite une demande plus orientée sur les loisirs, les sports comme l’alpinisme avec les harnais et les sangles... ou liée aux spectacles comme les compagnies de cirque... On avait même fourni le matériel pour emballer un pont parisien ! Pour vous dire... et toute cette activité continue bien sûr...

    -        Comment faites-vous pour passer au-delà du temps, qui ne semble n’avoir aucune emprise sur votre activité, comme la crise elle-même qui ne semble pas vous affecter ...

    -        Il y a quelques années, nous avons dû revoir intégralement la conception de certains de nos produits. Nous étions devant une demande bien spécifique. Il nous fallait produire de la ficelle.

    -     De la ficelle ? Pardon ?... De prime abord, cela ne devait pas vous poser de problème particulier ? Si ?...

    -     C’est que cette ficelle devait être la plus solide, la plus fine et surtout la plus invisible possible !

    -        Invisible ?!  Aaah ? et pourquoi ? Qui vous faisait une telle commande ?

    -  Faisait et font toujours ! C’est notre produit leader désormais ! Vous comprendrez que je ne peux vous en révéler ni les secrets de fabrication ni l’identité exacte de nos commanditaires, mais je peux vous dire que cela marche du feu de dieu !!

    -        S’il vous plait, dites-nous en un peu plus malgré tout... Ne tenez pas ainsi nos auditeurs en haleine...

    -        Il s’agit de la ficelle pour marionnettes.

    -      Euh ?... des marionnettes dites-vous ? Guignol, Gnafron et la Madelon ?...  Excusez ma surprise, mais je ne vois pas en quoi cela est nouveau !

    -   Oui oui... bien sûr... vous pensez à ces marionnettes-là... forcément... Non, moi je vous parle de vous... de moi... de nous tous... Nos donneurs d’ordre sont les États, les gouvernements... Ce sont eux qui tirent les ficelles du monde... et personne ne le sait vraiment, ni le quand, ni le comment... Chacun ne sait vraiment par qui il est manipulé, parfois par plusieurs personnes selon les circonstances... On est dans une autre dimension ma p’tite dame !

    -    Mais si vous dites... nous, le monde, moi... vous aussi alors vous êtes manipulé !

    -        Oui mais moi je le sais... Et vous savez, je m’en fiche complètement tant que les carnets de commandes sont pleins ! »

     

     

     

    Anna – 27 Juillet 2013 ©

     

     

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    « Cramponner l’Aussière... »

    Huile sur toile - Thomas SOMERSCALES

     

               Le brigantin sort à peine du vide, du néant... Pas de cette immobilité où les vents s’absentent de la misaine et du grand hunier, non ! On parle d’un cœur à corps sur une mer amère sans amer condamnant toute manœuvre ribaude, d’un combat acharné entre la carène et les lames bleues d’acier menaçant la ligne de flottaison même pour un bateau lège... Pas d’une simple algarade, non ! On parle d’une déclaration de guerre par la houle grondante et déchaînée escomptant engloutir l’embarcation en une goulée dans les noires écumes de ses nuits abyssales. Les rafales déchiquettent les toiles, les mâts et leurs vergues se tordent de douleur forçant le choix de ferler ou border.

     

                Malgré les premières avaries, il faut maintenir le navire à la course, embraquer. Entre sextant, compas et sablier trouver et forcer le cap. Le bosco doit encore décoder les énigmes, reliefs terrestres et courbes isobaths des cartes marines, rester sourd aux chants des sirènes et déjouer les pièges des récifs étoilés crevant le ventre. Alors les yeux vissés sur l’horizon, rassérénant l’équipage hagard sur le tillac, il s’oblige à naviguer au près, à la bouline, évitant toute flibuste. La lutte demeure serrée et les bouillons dangereux. Des mille restes à parcourir avant de cramponner l’aussière, mouiller et pouvoir radouber.

     

                Le fébrile équipage attend chaque nuit l’heure où la vague se fait prochaine, celle qui se dressera comme un mur brocardant le grand foc ou le beaupré pourtant érigé comme un index sévère admonestant toujours les flots rugissants. Celle-là, l’ultime, qui engloutira le bâtiment du safran au pavillon avec âmes et tonneaux, le jetant dans les tréfonds comme une poignée de ramilles. Le capitaine se doit de garder la foi en l’étrave qui devra pourfendre les sombres eaux vrombissantes. Dans l’obscurité, la proue saura faire bonne figure devant de tels bouillonnements. Passer chaque borgnon sans fanal ni encombre. L’épreuve sera plus terrible que le jeu du couteau entre ses doigts, le bosco le sait.

     

                Et la houle frappe encore d’estoc et de taille, perçant la carène, là plus haut sur le bâbord.

     

     

                Puis ce fut tel un ouragan, croulant sous une cabale d’écumeuses cavales, le brigantin plongeait entièrement dans les abîmes comme pour être projeté plus vivement encore contre des murs d’eau.

     

    Anna  – 23 Juillet 2013 ©

     

    Écrit sur le banc d’un parc – Je ne sais ce que deviendra ce morceau d’histoire...

     

     

     

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