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                                       Le cœur claudiquant,

    J’erre parmi les glaces, 

    Trop d’années, 

    Interminables. 

    Je m’enfonce inéluctablement, 

    Demains toujours sombres, 

    Plus torturants. 

    Mettre en ordre et fermer sa maison. 

    Abdication. 

    Plus de larmes, ni apitoiement. 

    La gorge s’étrangle, 

    La respiration s’étouffe. 

    Alors partir, 

    Nos dernières étreintes en intense souvenir,  

    Derniers sursauts du cœur et du corps 

    Dans deux bras tant aimés, 

    Adieu bonheur si doux, 

    Tardif,  

    Le ver est dans mon fruit. 

    Impossible d’aller plus loin, 

    Depuis longtemps, 

    Ce corps ne m’appartient plus, 

    Et sur mon âme déjà morte 

    Planent les vautours. 

    Éreintée tomber là 

    Genoux et mains à terre. 

    Tête basse prier le passage du Tarasque, 

    De ces démons qui me hantent 

    Et dont je ne sais crier le nom. 

    Baisser toute arme, 

    Abandonner toute résistance 

    Sans tenir tête aux Astaroth 

    Ni aux vils Serpents, 

    Inutile combat d’avance pugilat, 

    Offrir sans lutte la victoire aux Maudits. 

    Asmodée prend cette âme en lambeaux, 

    Et libère-la... 

    Enfin ! 

    Qu’elle n’endure plus ni crainte 

    Ni cauchemar 

    À jamais... 

    Que sa fragile lumière disparaisse 

    Dans l’odeur croupie d’une vie abandonnée, 

    Cernée par les ténèbres de sa propre laideur. 

    Je n’entends déjà plus les suppliques de l’archange, 

    Bien égoïstement 

    Je reprends ma promesse, 

    Pardon, mille fois pardon, 

    Puisse-t-il m’absoudre, 

    Les voix du chaos grondent plus fort 

    Que sa tendresse posée sur moi. 

    Alors, tranquillement 

    S’allonger là, 

    Supplier la terre de se fendre sous mon corps, 

    Et que les mondes oubliés m’engloutissent. 

    Sans crainte du libérateur, 

    Des morsures de l’hiver éternel, 

    Plantées en athamée dans mes entrailles, 

    Ces charognes déjà visqueuses 

    S’offrant à Eurynome 

    Et aux larves gluantes. 

    Bientôt, 

    Sans peur, 

    Je fermerai les yeux. 

      

     

     

    Anna – 5  Juillet 2013 © 

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    Extrait d’une 5ème nouvelle... 

     

    « L’Automne est une Belle Saison pour Mourir »

     

    * Chap. 3 * Libération *

      

           Trop jeune pour aller à l’école, puis retenu cantonné à la maison par crainte de représailles, le jeune Edouardo a vécu les années de guerre dans l’insouciance, doucement bercé sous le regard de sa mère, et dans les souvenirs paternels d’une Espagne meurtrie. Les guerres qu’elles fussent espagnoles ou mondiale n’étaient que des jeux de petits soldats pour les grands.

               

          Par un jour de bonnes œuvres paroissiales, Edouardo avait récupéré trois soldats de plomb. Des morts, il n’en avait jamais vu ! Pourtant sur les marches de l’escalier de la maison, il se réinventait avec ses soldats les récits de combats entendus avec son père grâce au poste TSF du bar « El Tap » place de la Mairie. Edouardo y écoutait les nouvelles sagement assis bien droit sur sa chaise, mais gardait ses distances. L’œil vert inquisiteur du poste TSF lui foutait une frousse monstre, comme si le diable lui-même allait en sortir et lui bondir dessus ! La place de la Mairie était le plus loin où il avait été dans le village. Seul, il n’était pas autorisé à s’aventurer au-delà de la rue des Figuiers et la voisine rue des Escaliers. Les deux étaient trop étroites pour y laisser passer une quelconque voiture ; le danger selon Pepillo venant moins d’un éventuel accident que d’une éventuelle rafle avec mise en hébergement pour « Retirada ».

           Le départ prolongé de son père, devenu comme il lui avait confié « soldat des montagnes », sonna la fin de l’insouciance et la réduction supplémentaire du terrain de jeu d’Edouardo. Jusqu’à ses huit ans, le gamin dut se contenter des six marches de l’escalier de la maison pour tout territoire autorisé. Maria devenue sombre ne parlait plus qu’en dehors des brèves directives matérielles. Il effaçait alors peu à peu de sa mémoire les bras affectueux et les tendres baisers ; laissant place aux seuls « ¡Lava tus manos ! », « ¡Resto tranquilo ! », « ¡A la cama ! » (3)… Les seules sorties se cantonnaient au lavoir de la rue des Clous une fois par semaine, et l’épicerie de la rue Sainte-Madeleine quand celle-ci avait été approvisionnée. Quand ils n’allaient pas courir le village, les autres gosses de la rue, bien plus âgés qu’Edouardo, se mêlaient à ses jeux. Edouardo découvrit les billes, les osselets, apprit le catalan et quelques mots de français, sans doute pas ceux de haute littérature, des jurons le plus souvent.

     

         Un jour, en début de soirée arriva un inconnu, il avait salué Edouardo en frottant amicalement de sa main le dessus de la tête accompagné d’un « ègaille » qu’il n’avait pas compris. Il parlait peu, toujours en français, mais avec ce drôle d’accent chantant et bien moins rocailleux que celui des gens du village. À la surprise d’Edouardo, l’homme fut aussitôt accueilli par Maria avec un sourire. Mack restait sans sortir de la maison, Edouardo lui demanda :

    -     « Toi aussi t’es puni ?

    -     En quelque sorte… » avait-il simplement répondu.

     

         Au troisième matin, il avait disparu. Questionnée à son sujet, sa mère répondait que les histoires de grandes personnes ne concernaient pas les enfants. Pourtant plusieurs mois après, toujours le soir tard ou au milieu de la nuit, Mack était de nouveau là quelques jours, et repartait… Ces visites impromptues intriguaient Edouardo. Les copains de la rue avaient des explications toutes trouvées :

     

    -     « C’est un espion américain j’te dis !

    -     Ouais même qu’il va en arriver plein d’autres !

    -     Comment tu sais ? questionnait Edouardo incrédule

    -    Mon père l’a dit l’aut’ soir… ils vont venir en foutre plein la gueule aux boches !

    -     Ouais même qu’ils ont des mitraillettes !

    -     Et des chars aussi !

    -     Ouais même que ça s’ra bien fait pour les fridolins !

    -     Fridolins ?

    -     Les allemands quoi… j’te dis qu’ce mec c’est un espion !

    -     Ouais même qu’il va faire exploser les ponts, ils s’ront coincés et après les résistants y vont les écrabouiller !

    -     Y a pas de fridolins chez moi ! protestait Edouardo

    -     Bin non, c’est la planque à ton amerloc’ pardi ! »

     

     

        Le mystère « Mack » était enfin levé, c’était donc un espion américain venu pour écrabouiller les fridolins… Cela n’expliquait pas ce qu’il faisait à la maison… Et son père qui ne rentrait pas… peut-être que Mack avait des nouvelles ? Les allers et venues de Mack s’accéléraient… courtes, mais de plus en plus fréquentes…

     

     

     

    Anna – 23 Juin 2013 © 

    N5 – Total 50 pages - Copyright numéro 00052576 

     

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    Les premières lignes de ma troisième nouvelle... 

     

    « Dernier Vol pour l’Inframonde » * Nouvelle *

     

     

     

           Paris, 18 h 30 – Après avoir enfilé son intégral, baissé la visière, ajusté le velcro de ses gants, entendu le léger « clonk » du premier rapport dans le jour qui tombait, la sortie de la ville par les quais sud et le périphérique lui permettrait de se jouer facilement des voitures rentrant docilement vers leur garage, pour quitter le cloaque de la métropole. Aldine, elle, ne savait absolument pas où la route allait la mener, ou plutôt si, mais ce n’était pas tant la destination qui importait, que la vitesse à laquelle elle allait pouvoir flirter avec l’asphalte. L’envie de tout plaquer et disparaître l’avait envahie comme un dégoût qui vous serre l’estomac et vous remonte dans la gorge. Ou était-ce le profond désir de reprendre la main sur sa vie, ou encore celui de déguster à nouveau le temps de la jeunesse impétueuse et ignorante ? Instinctivement, elle avait enfourché sa moto et pris la direction de l’autoroute du sud. La vitesse était une sorte de valeur refuge lui permettant de se vider la tête, d’évacuer sa rage au fur et à mesure qu’elle essorait la poignée. Cette fois, la fureur lui oppressait tellement le cœur qu’elle ne savait pas encore vers où guider son destin, aucune décision n’était prise. Aldine avait un tempérament de feu et connaissait les vives réactions dont elle était capable, elle aussi montait aisément dans les tours. Il lui fallait partir loin, seule, pour réfléchir, et sans gamberger vainement si elle le pouvait...

     

     

           Passé Arcueil, déjà l’A6a lui permettait de mettre les gaz du monstrueux V4 de sa bonne vieille V-Max qui ronflait à merveille ; les genoux à la base des écopes transmettaient à tout son corps les douces vibrations de la mécanique. Le phare déchiffrait les premières trajectoires, troisième rapport 115 km/h... encore quelques kilomètres pour laisser derrière elle les dernières charrettes effarouchées par les radars fixes, et les chevaux pourront se lâcher. Cramponnée au guidon, calée contre le dosseret de la selle, Aldine n’avait pas envie de calmer sa machine, cinquième rapport 160 km/h... la moto s’arrachait du bitume avec aisance, et montait sans broncher dans les régimes. Au sixième rapport, elle s’approchait des 180. Bientôt à l’heure avancée de la nuit, la maréchaussée dormirait, et Aldine fera la nique aux radars qui pourront la flasher, elle s’en moquait.

     

    ... 



     

     

    Anna – 17 Mai 2013 © 

    N3 - Total 22 pages - Copyright numéro 00052576 

     

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  •   Les premières lignes de ma deuxième nouvelle...

     

     

    « 43 »

     

     

                Depuis que 43 avait été nommé « Référent des Esprits » par le Conseil des Sages, il était perpétuellement débordé, d’autant que la vision qu’il avait eue, au regard des derniers rapports d’analyse, pouvait mettre en péril toute la communauté. Même si leurs missions initiales n’étaient pas leur propre sauvegarde, de celle-ci dépendaient les premières. Il avait à maintes reprises alerté le Conseil de cette menace grandissante, demandant au plus vite la tenue d’un nouveau Concile, afin de décider des nouvelles attitudes à adopter et, de fait, des modifications de fonctions qu’ils seraient obligés d’opérer. Certains d’entre eux devaient changer d’affectation, c’était vital !

     

                Le Conseil était composé de trente Sages, nommés à l’ancienneté plus qu’au regard de leurs réelles compétences. Les vingt premiers, baptisés Grands Sages, étaient si vieux, sans âge. Ils restaient confinés dans le sanctuaire. Seuls les sages numérotés de 25 à 30 servaient de porte-parole et diffusaient régulièrement les nouvelles lois adoptées et autres règles de fonctionnement. Le Conseil savait, heureusement, s’entourer de référents reconnus à la suite d’actions de portée générale. Grâce à l’enseignement prodigué à ses pairs, 43 avait ouvert de nouvelles possibilités. Il avait longtemps été le seul à pouvoir déménager et changer d’hôte une fois sa mission achevée, lui permettant d’accroître le nombre de bénéficiaires ensemencés. De plus, d’essais infructueux en tentatives renouvelées au cours de ces derniers siècles, il avait fini par identifier de façon très précise la zone idéale d’ancrage chez les hôtes. Les résultats statistiques étaient incontestables. Avec la méthode d’accrochage de 43 généralisée à l’ensemble des opérationnels, le taux de réussite des missions et le nombre d’attributaires atteints évoluaient de façon exponentielle. Cette double maîtrise transmise à l’ensemble de la communauté lui avait permis d’être nommé Référent ; 43 avait obtenu de fait son accréditation « membre de catégorie 1 ».

     

                43 était un passionné, l’exploration des hôtes le captivait. Réussissant à voyager de l’un à l’autre, il s’était constitué un solide dossier. Ses études méticuleuses décrivaient les moindres différences, listaient les points forts, détectaient ceux plus fragiles à travailler et diagnostiquaient les éléments de constitution pouvant poser problème. Il avait ainsi compris que le point idéal d’ancrage était l’esprit. Il avait progressivement construit une carte topographique des zones d’accrochage idéales selon le but des missions. Le pouvoir des semences s’en voyait décuplé. Les missions étaient multiples, chacune était classée selon un objectif et une durée de présence nécessaire. Pour avoir aussi pratiqué la revisite, il savait que rien n’était figé même après une mission considérée comme réussie. Il avait constaté quelques prémices d’une dégradation des semences, voire même leur disparition totale. Il avait bien tenté d’établir une chronosynthèse des semences selon leur type, mais celles-ci avaient leur propre durée de vie. Tous les opérationnels devaient donc programmer systématiquement des revisites à espace temps régulier pour vérification des semences. Pire, certaines devaient être arrêtées définitivement ayant un effet destructeur sur les autres. Il en était intimement convaincu. C’était bien là le cœur du problème et la raison de ses demandes répétées d’audience auprès des Grands Sages.

    ...

     

     

     

    Anna – 11 Mai 2013 ©

    N2 - Total 9 pages - Copyright numéro 00052576

     

     

     

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    « Du Bout des Doigts »

     

     

    Lisa Gerrard « Sanvean » (I am your shadow) 

     

      

    À trop des yeux frôler cet instantané, 

    À plonger mes vagues dans son clair océan, 

    Je le devinerai, les yeux fermés, 

    Depuis le plus opaque des néants. 

      

    Mon prélude serait l’esquisse de son nez, 

    L’ébauche se glisserait sur ses joues, 

    Où papillonnent mille baisers, 

    Pour chavirer dans le délice de son cou. 

      

    Ô Dieu, dois-je avouer mon émoi, 

    J’aimerai dessiner, en toute ivresse, 

    La courbe de ses lèvres du bout des doigts 

    Pour en lire toute l’infinie tendresse. 

      

    À trop des doigts effleurer ses traits, 

    Du plus profond du monde damné, 

    Que diable, si la cécité m’emportait, 

    Je pourrai le modeler, les yeux fermés. 

      

    Du bout des larmes deviendrai caresse, 

    Pour l’envelopper de pure volupté, 

    Le transportant dans l’allégresse 

    De mon rêve de peau le plus secret. 

      

    Ô Dieu, je lui promets mon âme, 

    Lui abandonne toute ma vie, 

    À genoux, lui offre mon cœur de flammes 

    Dans l’intensité d’un devenir inassouvi. 

      

    Me dressant face aux vils aboyeurs 

    Deviendrai le baiser annexant ses blessures, 

    Son flambeau annihilant ses douleurs, 

    De toutes ses audaces, son meilleur augure. 

      

    Ô diable, dois-je déjà t’avouer, 

    De lui,  mes désirs plus profonds, 

    Sans devenir prêtresse dévouée,  

    Ni redouter ta funeste damnation. 

     

     

                                        Anna - 16 Avril 2013 ©

     

                                    

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